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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome VI, 1783.djvu/169

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agens bruts, que des atomes liés dans un monde suspendu quelques instans au-dessus du néant. C’est l’abyme qui doit tout recevoir, tout engloutir. Triste & déplorable systême ! Tout pâlit, tout s’efface : beauté, génie, grandeur, vertu, il n’y a plus sur la terre que désordre & confusion. Quoi donc, la noblesse de l’ame, l’héroïque sensibilité du cœur, la bonté compatissante, les lumieres grandes & généreuses qui font la félicité des nations, iroient rejoindre le mensonge, la perfidie, la politique versatile & ténébreuse, la rage de l’ambition, la soif des combats, l’oubli de l’humanité ! Néron & Socrate ne formeroient plus qu’une seule & même ame ! La main qui a nourri un pere infirme ne se distingueroit plus du bras qui l’a égorgé !

Ah ! l’homme sensible détournant ses regards, n’ose plus ni penser, ni parler, ni écrire. Et que dire aux autres & à soi-même ? Que dire aux administrateurs des peuples, si je vis sous le sceptre de fer d’une aveugle fatalité, si cette puissance ténébreuse m’envi-