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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome VI, 1783.djvu/252

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grands maîtres en peinture, en poésie, en architecture, ils peuvent par eux-mêmes atteindre à la perfection. Mais le jeune musicien est dans une position toute différente : il n’a aucun monument pour lui servir de modele ; car un chanteur célebre ne laisse à la postérité ni ses graces, ni son enthousiasme, ni sa qualité de voix, ni aucun des agrémens qui faisoient la magie de son art. On pourroit comparer une ariette écrite, à ces squélettes humains qu’on trouve dans les cabinets des naturalistes. Ces masses hideuses sont bien une partie essentielle de l’homme ; mais l’œil ne peut les contempler sans dégoût, dépouillées de leur peau, de leur coloris, de ces moelleux contours & de ces formes ravissantes qui constituent la beauté.

Il en est de même à l’égard d’une ariette chantée par nos voix ordinaires. Ce sont des squélettes qu’on présente au sens de l’ouie. On ne doit point s’étonner si le peuple refuse de s’extasier devant ces sortes de cadavres ; ils ne sauroient intéresser que les con-