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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome VI, 1783.djvu/314

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pour contraster fortement avec les autres. Là toutes les filles sont recluses ; c’est la main de la chasteté contrainte qui arrange ces ajustemens voluptueux dont se parent les courtisannes. Là on les habille, mais on ne les imite pas ; on ne garde rien pour soi des ornemens séducteurs que l’on prodigue aux filles d’opéra. On travaille bien pour elles ; mais il n’est pas même permis de les voir. Imaginez des cuisinieres qui ne goûteroient jamais à la sauce : tel est l’état de ces filles gardées & travaillant sous l’œil de la sévérité aux attributs de la licence.

Mais la maîtresse du magasin est si étonnée elle-même de l’ordre miraculeux qu’elle a établi & qu’elle maintient, qu’elle le raconte à tout venant, comme un prodige continuel. On diroit que c’est une gageure qu’elle a faite à la face de l’univers, & qu’elle veut faire dire à l’histoire : dans Paris est une boutique de marchande de modes, où toutes les filles sont chastes ; & ce phénomene est dû à l’exemple de ma vertu & à ma vigilance.