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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome VII, 1783.djvu/195

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enfans abandonnés qu’il adopterait ? Tel homme a trente chevaux dans son écurie, qui pourroit, s’il en retranchoit six, voir croître autour de lui six enfans dont il seroit le bienfaiteur. Quelle fête pour un cœur sensible !

Quoi ! parmi tant d’hommes opulens, aucun n’a dit : j’éleverai de ces enfans qui n’ont point de parens ; je les adopterai. Vingt jolis garçons m’appelleront un jour leur pere : j’en ferai des citoyens ; un seul qui parviendra à la perfection d’un art quelconque, me récompensera de tous mes travaux.

Les passions ardentes, contrariées par les institutions sociales, ont peuplé ce séjour. « Ces enfans, (dit Shakespeare avec son énergie accoutumée) dans l’acte vigoureux & clandestin de la nature, ont reçu une substance plus abondante, & des élémens plus forts que n’en peut fournir un couple épuisé, qui va dans une couche insipide travailler sans plaisirs à la création d’une race d’avortons engendrés entre le sommeil & le réveil[1]. »

  1. Le Roi Léar, acte I, scene VI.