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Page:Michel - La Commune, 1898.djvu/295

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loureux récit d’un prisonnier arrêté à la prise de Châtillon et envoyé à Brest, après mille insultes, on comprit à la fois le caractère des fédérés et la férocité de Versailles ; les choses s’éclaircirent à Bruxelles comme à Londres [note no 2, page 410.]

Après la prise de Paris, il y a plus de rigueur encore.

Les soldats et les gendarmes avaient l’ordre, s’ils entendaient quelque bruit à l’intérieur des vagons à bestiaux, où les prisonniers étaient entassés pour les longues distances, de décharger leur revolver par les trous pratiqués à cause de l’air — (l’ordre fut exécuté). Satory était l’entrepôt d’où l’on envoyait les prisonniers à la mort, aux pontons, ou à Versailles.

Le sang ne séchait pas facilement sur les pavés, la terre gorgée n’en pouvait plus boire, on croyait encore le voir ruisseler pourpré sur la Seine.

Il fallait faire disparaître les cadavres, les lacs des buttes Chaumont rendaient les leurs, ils flottaient ballonnés à la surface.

Ceux qu’on avait enterrés à la hâte se gonflaient sous la terre ; comme le grain qui germe, ils levaient crevassant la surface.

On avait remué pour les emporter aux fosses communes, les plus larges amas de chairs putréfiées, on les porta partout où il en pouvait tenir ; dans les casemates où on finit par les brûler avec du pétrole et du goudron, dans les fosses creusées autour des cimetières ; on en brûla par charretées place de l’Étoile.

Quand pour la prochaine exposition on creusera la terre au Champ-de-Mars, peut-être malgré les flammes allumées sur les longues files où on les couchait sous les lits de goudron, verra-t-on les os blanchis calcinés apparaître rangés sur le front de bataille, comme ils furent aux jours de mai.

Quelques-uns se souviendront des lueurs rougeâtres ;