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Page:Michel - La Commune, 1898.djvu/296

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de l’épaisse fumée qu’à certains soirs, après que Paris fut mort, on voyait de loin : — c’était le bûcher d’où s’exhalait une odeur infecte.

Il y avait de ces morts-là qu’on attendait encore, on les attendit longtemps ; quand on se lassa de ne rien voir. On espérait presque malgré tout.

Puis, des femmes, sous leurs vieux châles cachant des pincées de graines, furtivement les semèrent sur les fosses des cimetières.

Elles y poussaient largement, quelques-unes fleurirent comme des gouttes de sang, alors les femmes furent surveillées, et grossièrement insultées : — en dépit de tout, les fosses étaient toujours fleuries.

L’une, madame Gentil, dont le mari avait combattu en 48, peut-être même en 1830, laissa pendant des années sa porte seulement poussée, afin qu’il pût rentrer sans éveiller l’attention.

Il avait bien traversé les jours de juin, il était rentré un soir, pourquoi ne rentrerait-il pas aux jours de mai ?

Elle appelait ses jardins les fleurs des tombes, et les cultivait pour les morts, son mari, elle ne voulait pas qu’il le fût, son chien, un gros mouton blanc l’attendait à la porte des cimetières ; la nuit, avec elle il attendait le maître.

Madame Gentil crut connaître l’endroit où l’on avait enterré Delescluze ; elle en fit part à sa sœur avec qui souvent elle était.

On ne l’arrêta pas, peut-être le dut-elle à ce qu’on la voyait attendre son mari qu’on aurait pris avec elle ; — peut-être aussi le dut-elle à une famille influente qui, à son insu, avait été touchée de cet entêtement contre la mort.

À notre retour de Calédonie, madame Gentil, heureuse comme elle ne l’avait point été depuis longtemps, tressaillait encore tout en partageant à ceux