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Page:Michel - La Commune, 1898.djvu/305

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mère, puisque je venais prendre ma place, lui racontèrent ce qui venait de se passer, il parut comprendre et m’accorda de l’accompagner jusqu’au milieu du chemin, pour être sûre qu’elle arriverait.

La pauvre femme ne voulait pas partir, mais devant la peine que j’en éprouvais, un peu rassurée aussi, par les autres prisonniers, qui m’avaient comprise et par la liberté que j’avais de la reconduire, elle finit par consentir.

Les soldats, qui étaient venus avec moi, devaient l’accompagner jusqu’à la rue Oudot, je les quittai au milieu du chemin comme je l’avais promis et je retournai seule au bastion ; j’avais mis le temps à profit pour lui dire le plus de choses rassurantes que je pouvais imaginer : qu’on ne fusillait plus les femmes, qu’il n’y aurait que quelques mois de prison, etc., mais elle n’était pas crédule : je la trompais si souvent.

— Vous n’avez donc pas confiance en nous ? me dit le commandant en me revoyant. — Non, lui dis-je.

Je repris ma place avec les prisonniers, il y en avait de Montmartre, du comité de vigilance, du club de la Révolution, du 61e bataillon surtout. — Un dôme de fumée s’étendit sur Paris, le vent nous apportait comme des vols des pavillons noirs, des fragments de papiers brûlés, dans les incendies, le canon tonnait.

En face de nous sur le tertre était un poteau prêt pour exécuter.

Le commandant revint près de nous et, me montrant des langues de flammes qui dardaient dans la fumée, il me dit :

— Voilà de votre ouvrage.

— Oui, lui dis-je, nous ne capitulons pas, nous. — Paris va mourir !

On amena un jeune homme à la tête frisée, grand, et qui ressemblait à Mégy : on le prenait en effet pour lui.