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Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/198

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des singeries de bourgeoise qui lui faisaient pitié. Parfois, en l’honneur de sa fille, la Duguette préparait un bon souper, elle tuait un poulet ou bien faisait un civet avec un lapin. Le vieux alors s’emportait. Il défendait qu’on touchât à sa volaille et à ses lapins, parce que c’était à lui, rien qu’à lui, qu’il avait le mal de les soigner, qu’il voulait avoir le plaisir de les manger, tout seul, ou de les vendre au marché, si c’était son idée. Ah ! ce n’était pas pour lui, bien sûr, qu’on ferait tant d’embarras ! Sa femme avait-elle songé, une fois dans sa vie, à lui fabriquer quelque chose de bon ? Ah bien oui ! Ce qu’il y avait de bon, c’était pour elle, et pour les autres, jamais pour lui ! Il en avait assez d’être grugé par un « tas d’mangeux, d’feignants, d’vauriens ». La Fanchette et l’moustachu mangeraient de la soupe, comme lui, et si cela les dégoûtait, ils pourraient bien rester chez eux, à se régaler, il ne les en empêchait pas, au contraire : ça serait un fameux débarras. Et le