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Page:Monselet - Fréron, 1864.djvu/85

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des roses, l’âne de Fréron s’enivre ; chacun se console à sa façon ; je plains seulement son cabaretier. » J’ignore quelle malice Voltaire entendait par ces derniers mots ; mais, à son insu peut-être, il mettait le doigt sur une des plaies de sa victime. Fréron avait eu longtemps maille à partir avec un cabaretier ou une cabaretière, au

    demain le vingt du mois ; que dira le libraire Lambert, si je ne lui délivre pas ce soir le paquet d’injures que je lui vends tous les dix jours ? ma femme est grosse, n’importe de qui ; j’ai quatre enfants ; où prendre du pain ? On ne mange point ici avec l’honneur, et quand cela ferait vivre je n’en mourrais pas moins de faim ; il faut donc, pour soutenir ma famille, que je devienne coquin par besoin ; il vaut mieux l’être dans mon grenier que sur les grands chemins, et j’aime mieux être Fréron que Mandrin. — Va, répliqua le comte, l’un vaut l’autre ; lève toi, voilà dix écus, fais-toi panser. — Reviendrez-vous demain, monseigneur ? lui demanda l’effronté écrivassier. — Non, répondit le comte ; mais si tu veux que je te laisse aujourd’hui avec un bras de moins pour la même somme, tu peux parler ; tu ne perdras rien à ce marché, et le public y gagnera sûrement. » Fréron, satisfait de sa journée, descendit comme il put, et s’enivra le soir même avec les amis de sa femme. »