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Page:Monselet - Les Oubliés et les Dédaignés, 1876.djvu/321

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GORJY.

Ouelques mois plus tard, Gorjy n’aurait pas osé plaisanter de cette sorte la guillotine ; il est vrai que, quelques mois plus tard, la publication d’An’quin Bredouille était brusquement interrompue, avec mille excuses aux souscripteurs. Un instant j’ai cru que Gorjy avait payé de sa tête ses téméraires pantalonnades. Heureusement il n’en était rien. Je ne sais quelle ombre protectrice s’était faite autour de son pamphlet. Mais il brisa sa plume, et, depuis, n’écrivit plus une seule ligne. Il eut tort bien certainement, car il y avait en lui un bon romancier, et mieux encore, un excellent styliste. Non pas que je veuille dire par là que ce fut un rhétoricien achevé. « Il y a, dit-il quelque part, une figure de rhétorique dont j’ai oublié, dont je crois plutôt n’avoir jamais su le nom ; car pourquoi n’avouerais-je pas que je n’ai point étudié ces belles règles qui circonscrivent l’esprit dans une ouverture déterminée de compas ? On voit trop que je n’y entends rien. » Cependant, en dépit de la rhétorique et même de la grammaire, il y a telle de ses pages que signeraient volontiers des auteurs de premier ordre ; nous en avons cité quelques-unes. Avec le temps, Gorjy aurait acquis ce qui lui manquait, il se serait complété. i’Ann’quin Bredouille indiquait déjà un progrès évident sur ses œuvres précédentes. Politique, à part, de toutes les imitations de Sterne qui ont été faites, celle-ci reste incontestablement la meilleure, et Gorjy s’est piqué de modestie trop grande en sequaliliant de petit-cousin de Tristram Shandy.

La tournure de son esprit devait plaire aux Allemands, qui l’ont traduit plusieurs fois, et qui ont publié, en 1798, une édition de ses œuvres complètes.