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Page:Monselet - Les Ressuscités, 1876.djvu/107

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MADAME RÉCAMIER

presque maternel, pour ces jeunes muses qui commençaient à s’épanouir, vives et attrayantes, mais faibles et délicates comme ces roses sauvages perdues dans les buissons et qui naissent à demi effeuillées. — Vous les connaissez tous, ces muses faciles. — L’une aux yeux noirs, aux cheveux noirs, à la mante noire, se cache derrière la jalousie sévillane, épiant le majo qui passe, et laissant tomber un poignard dans un bouquet. L’autre, triste et belle, assise sur quelque débris de temple écroulé, les pieds au fil de l’eau, la tête au soleil, berce un enfant souffreteux devant la treille d’une maison du Pausilippe. Celle-ci se pare des vieilles dentelles et des vieux falbalas de la vieille cour de France ; elle danse à l’Opéra, elle soupe à Bagatelle et à Vaucresson.

Celle-là, toute récente et toute éplorée, erre au bord des lacs, se couronne de nénuphars et soupire ses peines d’amour aux aulnes de la rive. D’autres rient aux éclats, et ce sont les plus rares ; elles courent toutes décoiffées, sautant à travers haies et champs, poursuivies par les gardes champêtres !

Si bien qu’avec son chœur de muses mo-