Aller au contenu

Page:Monselet - Les Ressuscités, 1876.djvu/30

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
22
LES RESSUSCITÉS

heurter contre la société que de se blesser aux troncs des arbres. Le mal qui vient des hommes se guérit plus facilement que celui qui vient de Dieu.

Alors, comme le Tambour Legrand, de Henri Heine, Chateaubriand avait des larmes qu’il ne pouvait pas pleurer. Au Château de Combourg, on ne connaissait ni les tendresses de la famille, ni les sourires du foyer ; jamais il ne sentit deux bras jetés autour de son cou. Sa mère le poussait à l’église, son père ne le poussait à rien. Hésitant et délaissé, il se contentait de rimer de mauvais vers, lorsque, du fond de sa jeunesse, farouche comme celle de Rousseau, s’éleva ce mystérieux amour qui nous valut plus tard un chef-d’œuvre de douleur.

Ah ! le premier amour des poètes, c’est là qu’il faut chercher le secret de leur vie ! Énergie ou faiblesse, leur douceur ou leur cruauté, leur abaissement ou leur gloire, penser que tout cela tient en germe dans un coin du cœur de la première femme rencontrée ! C’est Manon qui nous dit les désordres et les folles larmes de l’abbé Prévost ; c’est Pimpette dont les baisers feront les éclats de rire de Voltaire ;