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Page:Montesquieu - Deux opuscules, éd. Montesquieu, 1891.djvu/26

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MONTESQUIEU

égalé les forces de tous les hommes, & par conséquent de toutes les Nations.

Le Droit des gens a changé, &, par les Loix d’aujourd’hui, la guerre se fait de manière qu’elle ruine par préférence ceux qui y ont de plus grands avantages.

Autrefois on détruisoit les Villes qu’on avoit prises, on vendoit les terres, &, ce qui alloit bien plus loin, tous les habitans. Le saccagement d’une ville payoit la solde d’une Armée, & une Campagne heureuse enrichissoit un Conquérant. A présent qu’on n’a plus qu’une juste horreur pour toutes ces barbaries, on se ruine à prendre des places qui capitulent, que l’on conserve, & que l’on rend la plupart du tems.

Les Romains portoient à Rome dans les Triomphes toutes les richesses des Nations vaincues. Aujourd’hui les victoires ne donnent que des Lauriers stériles.

Quand un Monarque envoye[1] une Armée dans un païs ennemi, il envoyé en même tems une partie de ses thrésors pour la faire subsister ; il enrichit le païs qu’il a commencé de conquérir, & très-souvent il le met en état de le chasser lui-même.

Le luxe qui a augmenté a donné à nos Armées des besoins qu'elles ne dévoient point avoir. Rien n’a plus aidé la Hollande à soutenir les grandes guerres qu’elle a eues que le Commerce qu’elle

  1. Montesquieu surcharge par un t la lettre e.