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Page:Montesquieu - Deux opuscules, éd. Montesquieu, 1891.djvu/35

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MONARCHIE UNIVERSELLE

un grand Empire ; mais cela même rédivisa l’Europe en une infinité de Souverainetés.

Lorsque les Barbares s’établirent, chaque Chef fonda un Royaume, c’est à dire un grand Fief indépendant, qui en tenoit sous lui plusieurs autres. L’Armée des Conquérans fut gouvernée sur le plan du Gouvernement de leur païs, & le païs conquis sur le plan du gouvernement de leur Armée.

[La raison] qui leur fit établir cette sorte de gouvernement, c’est qu’ils n’en connoissoient point d’autre, [& si par hazard dans ce tems-là il étoit venu dans l’esprit de quelque Prince Got ou Germain de parler de pouvoir arbitraire, d’autorité suprême, de puissance sans bornes, il auroit fait rire toute son Armée.][1]

Or, par les raisons que nous avons dites, un grand Empire, où le Prince n’avoit pas une autorité absoluë, devoit nécessairement se diviser, soit que les Gouverneurs des Provinces n’obéissent pas, soit que pour les faire mieux obéir il fut nécessaire de partager l’Empire en plusieurs Royaumes.

Voilà l’origine des Royaumes de France, d’Ita-

    même ne fut jamais bien assujettie ; il ne conquit point les Isles, n’ayant point de forces de mer. (M.)

  1. Montesquieu a rayé les mots placés entre crochets ; à la place de « la raison », il a mis « ce ». En regard des autres mots rayés, il avait écrit : « Cet article est trop fort, faut-il l’ôter ou l’adoucir ? » Après avoir raturé ces mots, il a mis : « Bon. »