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Page:Montesquieu - Deux opuscules, éd. Montesquieu, 1891.djvu/44

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MONTESQUIEU

découvert une quantité d’or & d’argent si prodigieuse que ce que l’on en avoit eu jusqu’alors ne pouvoit y être comparé.

Mais, ce qu’on n’auroit jamais soupçonné, la misère la fit échouer presque par-tout. Philippe II qui succéda à Charles Quint fut obligé de faire la célèbre banqueroute que tout le monde sait, & il n’y a guère jamais eu de Prince qui ait plus souffert que lui des murmures, de l’insolence & de la révolte de ses troupes toujours mal payées.

Depuis ce tems la Monarchie d’Espagne déclina sans cesse ; c’est qu’il y avoit un vice intérieur & physique dans la nature de ces richesses qui les rendoit vaines & qui augmenta tous les jours.

Il n’y a personne qui ne sache que l’or & l’argent ne sont qu’une Richesse de fiction ou de signe. Comme ces signes sont très-durables & se détruisent peu, comme il convient à leur nature, il arrive que plus ils se multiplient, plus ils perdent de leur prix parce qu’ils représentent moins de choses.

Le malheur des Espagnols fut que par la conquête du Mexique & du Pérou, ils abandonnèrent les richesses naturelles pour avoir des richesses de signe qui s’avilissoient par elles-mêmes.

Lors de la conquête, l’or & l’argent étoient très rares en Europe, & l’Espagne maîtresse tout à coup d’une très-grande quantité de ces métaux,