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Page:Montesquieu - Deux opuscules, éd. Montesquieu, 1891.djvu/73

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l’envie ; et l’on ne se repent point des suffrages que l’on a donnés, quand on voit qu’ils ne tourneront point contre nous. Ce qui nuit le plus à la Considération, c’est de vouloir l’avoir trop en détail ; parce qu’à tout moment vous la faites sentir à ce qui vous entoure.

Il y a de plus une conduite à garder pour conserver la Considération. Gratien dit : « Faites-vous connoître et non comprendre ; ne conduisez pas l’intelligence des hommes jusqu’à l’extrémité de votre mérite : car tout ce qui leur est connu leur impose moins ». Le même Auteur dit : « Si votre mérite est au-dessus de votre Réputation, montrez— vous, et qu’on connaisse votre prix ; si votre Réputation est au-dessus de ce que vous valez, cachez-vous, et jouissez de l’erreur des hommes : placez —vous bien dans leur imagination. » Monsieur le Cardinal de Retz dit : « Que dans certaine occasion il sentit qu’il oceuperoit encore longtems une grande place dans l’imagination du Peuple ; et qu’il pourroit tout entreprendre sur la foi de leurs illusions. »

Le Ridicule s’attache à la Considération, parce qu’il en veut aux qualités personnelles. Il pardonne aux Vices parce qu’ils sont en commun : les hommes s’accordent à les laisser passer ; ils ont besoin de leur faire grâce. Dans chaque siècle il y a un Vice dominant ; et il y a toujours quelque homme, qu’on appelle galant homme, qui donne le ton à son siècle ; qui fixe le ridicule, et qui met en crédit les vices de la Société. On fait grâce à l’Amour, à l’Ambition ; mais la malignité s’attache aux qualités personnelles.

La Considération Personnelle nous fournit plus d’agrément que la Naissance, que les Richesses,