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Page:Montesquieu - Deux opuscules, éd. Montesquieu, 1891.djvu/75

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par le contentement intérieur ; et les autres plaisirs même en sont plus rians.

La Faveur assure ou détruit la Réputation : elle nous expose à un grand jour ; et il faut avoir un grand fond de mérite pour se soutenir dans une place où tant de gens aspirent, et d’où ils ont intérêt de vous faire descendre ; où enfin l’on ne vous fait grâce sur rien.

Ceux qui n’apportent à leurs emplois, d’autres mérites ni d’autres dispositions que de les désirer ne s’y soutiennent pas longtems.

Dans la disgrâce l’homme se manifeste, et montre ce qu’il est ; le rideau est tiré : le petit mérite étoit soutenu par la faveur qui le couvroit ; dès qu’elle tombe il est à découvert et il n’a plus d’appui.

Les disgrâces parent les grands hommes. Florus dit que Marius devint plus grand par ses malheurs ; que son exil et sa prison avoient jeté sur sa personne une espèce d’horreur sacrée qui le rendoit respectable.

Il n’y a point de Vertus que le Peuple n’accorde à ceux qu’il plaint, ou qu’il regrette. Le grand homme est haut et élevé dans la prospérité, et il est grand dans l’adversité. Mais comme la plupart des hommes ne sont pas assez élevés pour être outragés de la Fortune, une sage retraite fait en leur faveur le même effet que la disgrâce. On demande, quand doit-elle se faire ? Car il n’y a point d’action dans la vie, où il n’y ait un à propos. Est-ce après quelque action brillante, pour mettre notre Gloire en sûreté et conserver la place qu’elle nous a donnée dans l’idée des hommes ? Mais pourquoi donner à la retraite le tems destiné à jouir ? Celui de la vieillesse lui est propre : tous les goûts sonts usés ; il n’y a