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Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/204

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— J’ai oublié le reste !… ajouta Havelaar.

— Vous pourriez le retrouver en le demandant à Soldier, votre clerc ; à Natal, il l’a, dit Dipanon.

— D’où peut-il l’avoir, lui ? demanda Havelaar.

— Il l’aura ramassé dans votre panier. Mais, pour sûr, il l’a. Cela ne continue-t-il pas la légende du premier péché qui fit couler bas l’île derrière laquelle s’abritait la rade de Natal ? L’histoire de Djiwa et de ses deux frères ?

— Oui, vous avez raison. Pourtant, cette légende n’était pas une légende. C’était une parabole de mon invention… cela deviendra une légende, peut-être, — mais pas avant une centaine d’années — si Soldier le récite, le raconte et le chante partout. C’est ainsi que toutes les mythologies ont commencé. Djiwa, c’est l’âme, comme vous savez. Moi, de cette âme, de cet esprit, de ce quelque chose d’insubstantiel, je fis une femme, Ève, c’est-à dire, la matière indispensable et nuisible.

— Eh bien ! Max, où en est notre petite demoiselle, avec ses perles ? demanda Tine.

— Les perles étaient serrées. Six heures venaient de sonner à ma montre, et là, sous la ligne équinoxiale — vous le savez, Natal est situé à quelques minutes du Nord, quand je me rendais, par terre, à Ayer-Bangie, je passais la ligne, à cheval ; et ce n’était pas commode, vraiment ! — là, six heures ouvraient la porte aux pensées nocturnes. La nuit, le soir même, un homme est toujours meilleur, ou moins méchant, que le matin. J’ai remarqué cela, et c’est tout naturel. Le matin, on se tient serré, comme disent les Allemands ; on est huissier, contrôleur, ou… non, en voilà assez… cela suffit ! Un huissier se tient donc serré pour faire