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Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/220

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par exemple, Dipanon, vous vous soûlez tous les jours…

— Moi ! s’écria Dipanon, qui pouvait passer pour un modèle de sobriété.

— Oui, mon cher, vous êtes un ivrogne, et cela de par mon autorité privée. Vous êtes un ivrogne, et un ivrogne tellement indécrottable que le soir vous ne vous tenez plus sur vos jambes, et que ce pauvre Declari, traversant la première galerie, se heurte contre la masse de votre corps étendue à terre, et roule sur vous, tête bêche. À coup sûr cette chute lui sera désagréable, il pestera après vous, mais, à l’instant même il lui passera par l’esprit, qu’après tout, vous possédez telle bonne qualité, telle vertu, dont jusqu’à ce moment-là il n’avait jamais fait grand cas. Alors, si moi, je surviens, et que je vous trouve dans une position pleinement horizontale, il me mettra la main sur l’épaule et s’écriera : n’oubliez pas, mon cher Havelaar, que ce bon Dipanon, tout en n’étant qu’un affreux soulard est le meilleur homme du monde, et le plus honnête garçon que je connaisse !…

— Mais, fit Declari, je dis cela de Dipanon, quoiqu’il se tienne le plus verticalement possible.

— Vous ne le dites pas avec la même assurance, et avec une aussi forte conviction ! Souvenez-vous : que de fois n’avez-vous pas entendu dire d’un de vos amis : » ah ! si cet homme voulait faire attention à ses affaires, ce serait quelqu’un ! mais… » Et alors suit l’éreintement. On prouve que le malheureux, ne se donnant pas la peine de faire attention à ses affaires, n’est personne, n’est rien du tout ! — Et, c’est bien facile à comprendre. Ainsi, les morts, par exemple, ne les traite-t-on pas de la même