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Page:Necker - Réflexions présentées à la nation française sur le procès intenté à Louis XVI - 1792.pdf/28

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ou religieux, dont la découverte serviroit de prétexte à tous les genres d’ingratitude. Mais hélas ! ce plus de reconnoissance dont il s’agit aujourd’hui pour ce malheureux Prince, ce n’est plus des bénédictions éternelles dont il se flattoit, il y a peu d’année, qu’il est permis de lui présenter l’image. Tout est changé pour lui. Il voyoit alors, ainsi que je l’ai dit, il voyoit alors réunie dans sa vie les actes de bienfaisance publique les plus mémorables, et les preuves sensibles les traits les plus touchans d’un dévouement de soi-même au bonheur général ; enfin ses souvenirs étoient doux et ses justes espérances embellissoient pour lui le spectacle de l’avenir. Ô revers inouï ! ô mystères de la destinée ! c’est ce Prince, qui a plus fait pour la Nation Françoise qu’aucun de ses prédécesseurs, et dont la vie particulière n’a été souillée par aucune tache ; c’est ce Prince qui se trouve soumis aux rigueurs de la plus dure captivité ; c’est lui qu’on a séparé de tous les genres de consolation ; c’est lui qui vit de ses pleurs et qui se voit délaissé par la reconnoissance, l’amour et la pitié, et par tous les sentimens auxquels il avoit acquis le droit de se confier. On a fait plus encore, on le punit d’avoir cherché son bonheur dans la vie domestique, et l’on traite avec la même rigueur, avec la même ignominie, la fidelle compagne de ses infortunes, cette Princesse, issue de tant de Rois, et la fille chérie de Marie Thérèse, de cette illustre impératrice, qui l’avoit confiée aux vertus hospitalières des François. Hélas ! où est ce Trône, où sont ces honneurs qui appartenoient à l’éclat de sa naissance et qui lui étoient promis au moment où elle quitta sa Patrie, et où elle fut obligée de renoncer à la protection immédiate de la meilleure et de la plus respectable des mères ? Elle mêle aujourd’hui ses larmes à celles de son malheureux époux. Un jeune enfant élève au milieu d’eux ses mains innocentes ; et sa sécurité, la douce confiance qu’il met encore en ses caresses ; ce passé qui lui échappe, cet avenir qu’il ignore, cette protection qu’il cherche et qu’on ne peut lui promettre, tout attendrit en lui, tout déchire le cœur de ses malheureux parens ; il étoit, il y a peu de temps, leur espérance chérie, il ne prolonge plus que leur douleur. Je ne puis achever ce tableau, mon ame succombe en le traçant. Cependant, au milieu de cette scène de douleur, au milieu de cette famille désolée, mes yeux baignés de larmes, apperçoivent encore une Princesse héroïque, sœur et constante amie du Monarque infortuné, qu’elle n’auroit pu quitter sans mourir. On la vit, à la journée du vingt Juin, attachée aux pas de son frère, lorsqu’il sembloit menacé par une horde inconnue, qui se mêla pendant plusieurs heures aux flots tumultueux du Peuple de Paris ; on la vit aussi jouir, avec un