Page:Notice historique sur les ouvrages et la vie de Cuvier.djvu/64

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
(59)


M. Cuvier s’intéressait beaucoup au succès de l’utile entreprise dont nous parlons, comme on le verra par l’extrait ci-joint d’une lettre qu’il m’écrivait de Fréjus à la fin de 1802[1]. Je la rapporterai presque en entier, parce qu’elle contient des particularités remarquables sur sa vie, et qu’il s’y explique clairement sur la manière dont les genres de mollusques de Linné et ceux de Lamarck devaient être adoptés ou modifiés : ce sont des principes, d’ailleurs, qu’il a appliqués à chaque page de ses ouvrages systématiques.

« Mon cher ami, il y a bien long-temps que je cherche à répondre à votre lettre… ; mais je n’ai pas encore trouvé un moment pour écrire à tête reposée… Enfin me voilà obligé de m’arrêter dans une assez vilaine ville, quoique très antique, pour y attendre mon collègue, qui vient par mer, et qui a, en ce moment, le vent aussi contraire qu’il soit possible. Pour moi, j’ai mieux aimé m’exposer au danger du cheval qu’à ceux de la navigation, et l’événement prouve que je n’ai pas mal calculé, puisque j’en suis quitte pour être à demi roué par vingt-deux lieues de poste que j’ai faites hier à franc étrier. Heureusement c’est du bras gauche qu’on tient la bride, autrement je serais hors d’état d’écrire, tant il est perclus. On ne se fait pas d’idée des chemins de ce pays-ci. Autant vaudrait voyager dans les montagnes Bleues ou dans ces Apalaches que M. C… vante tant. Mais revenons à votre affaire. Il faut sans doute que vous vous chargiez des zoophytes comme des mollusques. Gardez-vous, cependant, de prendre


  1. Lettre n.° 7, datée de Fréjus, le 15 Frimaire an 11 (6 Décembre 1802).