Aller au contenu

Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/130

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
82

Responce.

Tu m’as allegué des raisons fort meschantes, et mal à propos : tu sçais bien que dés le commencement ie t’ay dit que je voulois eriger mon iardin pour m’en seruir, comme pour une cité de refuge, pour me retirer és iours perilleux et mauuais : et ce, à fin de fuyr les iniquitez et malices des hommes, pour seruir à Dieu, et à present tu me viens tenter d’une execrable auarice, et meschante inuention. Et cuides tu que si un homme a acheté un office de seneschal, soit de robe courte, ou de robe longue, et qu’il aie ce fait par avarice et ambition, qu’il soit homme de bien en ce faisant ? Ie say bien qu’aucuns ont acheté les grandeurs susdites pour se faire craindre et se venger, et pour emplir leurs bources de présens. Est-ce pourtant à dire que telles gens soient gens de bien ? Et tant il s’en faut. Tu sais bien que saint Paul dit qu’il n’y a rien de plus mechant que l’auaricieux. Item, il dit que l’auarice est la racine de tous maux : comment me prouueras tu que telles gens puissent viure en repos de conscience ? Item, on sait bien, qu’en plusieurs lieux des escritures sainctes, il est défendu aux Juges de prendre présens, parce que les présens corrompent le iugement : et ainsi, ie puis conclurre qu’il n’y a rien de bon au conseil que tu m’as donné. Item, tu m’as dit que si i’avois acheté quelque authorité, ou office de seneschal, ou autre, que ie pourrois crocheter quelque benefice que ie ferois tenir par un cuisinier de prestre : tu me conseilles donc d’estre meschant symoniaque et larron, et tu sais que le reuenu des benefices ne doit estre donné, sinon à ceux qui fidélement administreront la parole de Dieu : et quant est des autres qui iouiront du reuenu, ils sont maudits, damnés et perdus : et ie te le puis asseurement dire, puisqu’il est escrit au prophete Ezechiel. chap. 34 : Malediction sur vous, Pasteurs, qui mangez le laict et vestissez la laine, et laissez mes brebis esparses par les montagnes, ie les demanderai de vostre main. Ne voilà pas une sentence qui deust faire trembler ces symoniaques ? et à la verité, ils sont cause des troubles que nous auons aujourd’hui en la France : car s’ils ne craignoient de perdre leur reuenu ecclesiastique, ils accorderoient aisément tous les points de l’Escriture saincte : mais je puis aisement iuger par leurs manières de faire, qu’ils aiment mieux, et ont en plus grande reuerence leur propre ventre, que non pas la diuine