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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/131

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Maiesté de Dieu, deuant lequel il faudra qu’ils rendent conte au iour de son aduenement, et lors desireront de mourir, et la mort s’enfuira d’eux, et diront lors aux montagnes, Montagnes, tombez sur nous, et nous cachez de la face de ce grand Dieu viuant, comme il est escrit en l’Apocalypse. Or, regarde maintenant, si tu m’as donné vn bon conseil, ouy bien pour me damner. Item, penses-tu que ces pauures miserables ayent quelque repos en leur conscience ? I’ose dire, qu’eux et leurs complices, quoy qu’il soit, ils ont tousiours quelque remords en leurs consciences, et qu’ils craignent plus de mourir, que non pas ceux qui n’ont point leurs consciences cauterisees : toutesfois, ils ne sont iamais rassassiez ne de biens, ne d’honneurs : mais si quelqu’vn les desobeyst, ils creueront, iusques à tant qu’ils en soyent vengez : et ainsi, les pauures miserables n’ont repos, ny en leurs esprits, ny en leurs corps, quelque grasse cuisine qu’ils puissent auoir. Pour lesquelles causes ie n’ay trouué rien meilleur, que de fuyr le voisinage, et accointance de telles gens, et me retirer au labeur de la terre, qui est chose iuste deuant Dieu, et de grande recreation à ceux qui admirablement veulent contempler les œuures merueilleuses de nature : mais ie n’ay trouué en ce monde vne plus grande delectation, que d’auoir vn beau iardin : aussi Dieu ayant creé la terre pour le seruice de l’homme, il le colloqua dans vn iardin, auquel y auoit plusieurs especes de fruits, qui fut cause, qu’en contemplant le sens du Pseaume cent quatriesme, comme ie t’ay dit cy dessus, il me prit deslors vne affection si grande d’edifier mondit iardin, que depuis ce temps-là ie n’ay fait que resuer apres l’edification d’iceluy : et bien souuent en dormant, il me sembloit que i’estois apres, tellement qu’il m’aduint la semaine passee, que comme i’estois en mon lict endormy, il me sembloit, que mon iardin estoit desia fait, en la mesme forme que ie t’ay dit cy dessus, et que ie commençois desia à manger des fruits, et me recreer en iceluy, et me sembloit qu’en passant au matin par ledit iardin, ie venois à considerer les merueilleuses actions que le Souuerain a commandé de faire à nature, et entre les autres choses, ie contemplois les rameaux des vignes, des pois, et des coyes (courges), lesquelles sembloyent qu’elles eussent quelque sentiment et cognoissance de leur debile nature car ne se pouuans soustenir d’elles-mesmes, elles iettoyent certains