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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/137

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Responce.

Ie ne puis assez detester vne telle chose, et ne la puis appeller faute : mais vne malediction, et vn mal-heur à toute la France, parce qu’apres que tous les bois seront coupez, il faut que tous les arts cessent, et que les artisans s’en aillent paistre l’herbe, comme fit Nabuchodonozor. Ie voulu quelquesfois mettre par estat les arts qui cesseroyent, lorsqu’il n’y auroit plus de bois : mais quand i’en eu escrit vn grand nombre, ie ne sceu jamais trouuer fin à mon escrit, et ayant tout consideré ie trouvay qu’il n’y en auoit pas vn seul, qui se peust exercer sans bois, et que quand il n’y auroit plus de bois, qu’il faudroit que toutes les nauigations et pescheries cessassent, et que mesme les oiseaux et plusieurs especes de bestes, lesquelles se nourrissent de fruits, s’en allassent en vn autre Roiaume, et que les bœufs, ni les vaches, ni autres bestes bouines ne seruiroyent de rien au pays où il n’y auroit point de bois. Ie me fusse estudié à te donner vn millier de raisons : mais c’est vne Philosophie, que quand les chambrieres y auront pensé, elles iugeront, que sans bois, il est impossible d’exercer aucun art, et mesme faudroit, s’il n’y auoit point de bois, que l’office des dents fust vaquant, et là où il n’y a point de bois, ils n’ont besoin d’aucun froment, ni d’autre semence à faire pain. Ie trouue vne chose fort estrange, que beaucoup de Seigneurs ne contraignent leurs suiets de semer quelque partie de leurs terres de glans, et autres parties de chastagners, et autres parties de noyers, qui seroit vn bien public, et vn reuenu qui viendroit en dormant. Cela seroit fort propre en beaucoup de pays, là où ils sont contraints d’amasser les excremens des bœufs et vaches pour se chauffer, et en autres contrees, ils sont contraints de se chauffer et faire bouillir leurs pots de paille : n’est-ce pas vne faute, et ignorance publique ? Quand ie serois Seigneur de telles terres ainsi steriles de bois, ie contraindrois mes tenanciers, pour le moins d’en semer quelque partie. Ils sont bien miserables, c’est un reuenu qui vient en dormant, et apres qu’ils auroient mangé les fruits de leurs arbres, ils se chaufferoyent des branches et troncs. Ie louë grandement vn Duc Italien, qui quelques iours apres que sa femme fut accouchee d’vne fille, il philosopha en soy-mesme, que le bois estoit vn reuenu qui venoit en dormant : parquoy, il commanda