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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/140

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ment ; mais moy, ie conduis toutes choses directement, et de long, et de trauers, et en quelque sorte que ce soit, ie fay tout marcher droit deuant moy : aussi quand un homme est mal-viuant, on dit qu’il vit desreiglement, qui est autant à dire, que sans moy, il ne peut viure droitement. Voila pourquoy l’honneur m’appartient d’aller deuant. Lors l’Escarre dist, C’est à moy à qui l’honneur appartient : car pour vn besoin, on trouuera deux reigles en moy : aussi c’est moy, qui conduis les pierres angulaires et principales du coin, sans lesquelles nul bastiment ne pourroit tenir. Lors le plomb se vinst à esleuer, disant, le dois estre honoré par dessus tous : car c’est moy qui ameine et conduis toute massonnerie directement en haut, et sans moy on ne sçauroit faire aucune muraille droite, qui seroit cause, que les bastimens tomberoyent soudain : aussi, bien souuent, ie fay l’office d’vne reigle : parquoy faut conclurre, que l’honneur m’appartient. Ce fait, le Niueau s’esleua, et dist : O ces belistres et coquins, c’est à moy que l’honneur appartient. Ne sçait-on pas, que tous les soumiers, poutres, et trauerses ne pourroyent estre assises à leur deuoir sans moy ? Ne sçait-on pas bien, que ie conduis toutes places et pauemens comme ie veux ? Ne sçait-on pas bien, que plusieurs ingenieux se sont seruis de moy, en faisant leurs mines, tranchees, et en braquant leurs furieux canons ? et que sans moy ils ne pourroyent paruenir à leur dessein ? Voila pourquoy faut arrester et conclurre que l’honneur me doit demeurer : et soudain que le niueau eut fini son propos, voicy la sauterelle, qui d’vne grande vistesse se va esleuer, en disant, Deuant, devant, vous ne sçauez que vous dites, c’est à moy à qui appartient l’honneur : car ie fay des actes que nul ne sçauroit faire, et ie vous demande, sçauriez-vous conduire un bastiment en vne place biaise ? Et on sçait bien que non, et vous ne seruez, ni ne sçauez rien faire sinon un mestier : mais moy, ie vay, ie viens, ie fay de la petite, ie fay de la grande, brief, ie fay des choses que nul de vous ne sçauroit faire. Parquoy il est aisé à iuger, que l’honneur m’appartient. Adonc l’Astrolabe vint à s’esleuer avec vne constance et grauité canonique, et dist ainsi, Me voulez-vous oster l’honneur qui m’appartient ? car c’est moy qui monte plus haut que tous tant que vous estes, et mon Regne et Empire s’estend iusques aux nues. N’est-ce pas moy, qui mesure