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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/16

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VIII

cles d’une autre nature viennent s’ajouter aux premiers : c’est le manque d’argent, de bois et de matières. Il imagine de nouvelles ressources, il redouble d’ardeur, il réunit tous ses moyens, et déjà, plus assuré de sa réussite, il entreprend une nouvelle fournée mieux entendue et plus considérable que les précédentes, car il avait employé huit mois à exécuter les ouvrages dont elle devait se composer, et consacré plus d’un mois, jour et nuit, à la préparation de ses émaux. Cela fait, il met le feu à sa fournée, et l’entretient pendant six jours et six nuits, au bout desquels l’émail n’était pas encore fondu. Désespéré, il craint de s’être trompé dans les proportions des matières, et il se met à refaire de nouveaux mélanges, mais sans laisser refroidir son appareil. Il pile, broie, combine ses ingrédients, et les applique sur de nouvelles épreuves, en même temps qu’il pousse et active la flamme en jetant du bois par les deux gueules du fourneau. C’est alors qu’un nouveau revers, le plus grand de tous, vient l’atteindre : il s’aperçoit que le bois va lui manquer. Il n’hésite pas : il commence par brûler les étais qui soutiennent les tailles de son jardin ; puis il jette dans la fournaise ses tables, ses meubles, et jusqu’aux planchers de sa maison. L’artiste était ruiné, mais il avait réussi !

Cependant des chagrins contre lesquels l’âme la plus ferme ne trouve pas toujours des armes venaient incessamment l’assaillir. Accablé de dettes, chargé d’enfants, persécuté par ceux-là même qui l’eussent dû secourir, il sent un moment fléchir son courage ; mais aussitôt, faisant un appel à son âme, il retrouve sa force, et se remet à l’œuvre avec une nouvelle ardeur. Telle était alors sa détresse qu’ayant pris un ouvrier pour l’aider dans ses travaux les plus pénibles, il se vit au bout de quelques mois dans l’impossibilité de le nourrir. Bien qu’il fût sur le point d’entreprendre une nouvelle fournée, il fallut renvoyer son aide, et, faute d’argent pour le payer, il se dépouilla de ses vêtements et les lui donna pour son salaire.

À travers tant et de si cruelles épreuves, Palissy s’appro-