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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/21

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XIII

leurs jeux, il jouit avec ravissement des scènes agrestes que son imagination lui représente, et il s’écrie que l’homme est bien fou de méconnaître les charmes de la vie des champs. Il se prend de pitié pour ces laboureurs qui, dédaignant l’art auquel ils doivent leur fortune, élèvent leurs fils pour d’autres conditions et s’exposent ainsi eux-mêmes au mépris de leurs enfants, tandis que la culture de la terre est abandonnée aux plus ignorants et aux plus incapables. Pour lui, il estime les moindres bourgeons des plantes au-dessus des mines d’or et d’argent ; il souffre de voir que l’on abatte les forêts sans en replanter d’autres, tandis qu’en bonne pratique c’est le contraire qu’il faudrait ordonner. Il plaint l’aveuglement des grands seigneurs qui n’estiment les forêts que pour le plaisir de la chasse, ou les revenus qu’elles rapportent, et qui s’appliquent à inventer de nouvelles armes de guerre, de destruction, au lieu de perfectionner les outils d’agriculture, en général si négligés, si mal appropriés à leur emploi. Et pourquoi n’apporterait-on pas au perfectionnement des ustensiles d’agriculture le même soin qu’à ceux des autres arts, tandis qu’il faudrait y faire servir les instruments les plus ingénieux, et jusqu’à ceux qu’emploient l’architecture et la géométrie ? Là-dessus, notre artiste-poète aborde une digression aussi spirituelle que piquante. Après avoir énuméré les principaux instruments de la géométrie et des arts, il suppose qu’il s’élève entre eux un débat touchant leur prééminence. Le compas veut l’emporter sur la règle, qui, à son tour, est rabaissée par l’aplomb, lequel voit son rang contesté par la fausse équerre, le niveau et l’astrolabe. Palissy veut leur faire entendre, que, quel que soit leur mérite respectif, ils sont tous subordonnés au génie, à la volonté de l’homme, qui les a inventés. Les outils soutiennent qu’ils sont loin de devoir obéissance et soumission à un être qui lui-même n’est composé que de méchanceté et de folie. Pour le prouver, ils prient leur juge de se servir d’eux afin de mesurer la tête de quelques hommes parmi ceux qui semblent les