Aller au contenu

Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/212

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
164
DES EAUX

toit donc de l’eau conforme à celle que ie dy qui est eſleuée, que l’on appelle nuées, lesquelles s’approchant pres de la terre obscurcissent l’aër par vne compression qu’elles apportent, et font que ledit aër est tellement esmeu par compression des eaux assemblées en forme de nuées. Et qu’ainsi ne soit, prens garde quand lesdites nuées sont dissoutes et reduites en pluyes, tu connoistras que les vents ne sont autre chose qu’vne compression d’aër, engendree par la descente des eaux : d’autant qu’apres que les eaux sont tombées en bas, les vents sont soudain pacifiez : et de là est venu le prouerbe que l’on dit, petite pluye abat grand vent. Ainsi donc la pluye auoit causé lesdits vents, lesquels estant pacifiez par la cheute de la pluye, deslors l’aër, qui estoit obscurcy, commence à s’esclaircir. C’est pour te faire entendre que ie ne nie pas que les eaux encloses dedans les cauernes et gouffres des montagnes ne se puissent exaller contre les rochers et voutes, qui sont au dessouz desdits gouffres : mais ie nie que ce soit la cause totale des sources des fontaines : tant s’en faut, car si tu veux considerer que depuis la creation du monde, il est sorti continuellement des fontaines, fleuues et ruisseaux desdites montagnes, tu connoistras bien qu’il est impossible que lesdites cauernes peussent fournir d’eau pour vne annee, non pas pour vn mois, autant de fleuues qui descoulent iournellement. Il faut donc conclure que les eaux qui sortent desdittes cauernes ne viennent ny de la mer ny des abysmes : car ie sçay à la verité que desdits creux des rochers il sort vne merueilleuse quantité d’eau : et en plusieurs montagnes on la void sortir comme vne grosse fumée espesse, qui en s’esleuant en haut obscurcit l’aër en se dilatant parmi iceluy d’vne part et d’autre, et quand laditte vapeur vient à se dissoudre ce n’est autre chose que pluye. I’ay veu plusieurs fois sortir de telles espoisses vapeurs au pays d’Ardenne, et ceux qui les voyoyent sortir comme moy disoyent que dans peu de temps nous aurions de la pluye, estans bien asseurez que lesdittes vapeurs se dissoudroyent en eau. I’ay veu aux montagnes Pyrenées, plusieurs fois sortir de telles vapeurs, qui estant esleuées en haut se conglaçoyent en neiges, et bien tost apres lesdittes neiges couuroyent toute la terre. Ie ne nie donc pas que les vapeurs aqueuses des cauernes souzternees ne puissent contenir grande quantité d’eaux : mais il faut nécessai-