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DES EAUX

dentes des montagnes que non par du surplus de la terre ; qui n’est autre chose sinon que les roches et montagnes retiennent les eaux des pluyes comme feroit un vaisseau d’airain. Et lesdittes eaux tombantes sur lesdittes montagnes au trauers des terres et fentes, despendent tousjours, et n’ont aucun arrest iusques à ce qu’elles ayent trouué quelque lieu foncé de pierre ou rocher bien contigu ou condencé ; Et lors elles se reposent sur vn tel fond, et ayant trouué quelque canal ou autre ouuerture, elles sortent en fontaines ou en ruisseaux et fleuues, selon que l’ouuerture et les receptacles sont grands : et d’autant qu’vne telle source ne se peut ietter (contre sa nature) au montagnes, elle descend aux valées. Et combien que les commencements desdittes sources venant des montagnes ne soyent gueres grandes, il leur vient du secours de toutes parts, pour les agrandir et augmenter : et singulièrement des terres et montagnes qui sont à dextre et à senestre du cours desdittes sources. Voyla en peu de paroles la cause des sources des fontaines, fleuues et ruisseaux : et ne te faut chercher nulle autre raison que celle-là. Si les Philosophes ont escrit que les sources estoyent engendrées d’vn air espois sourdant du bas des montagnes, et que cedit air estant dissout en eau, causoit les fontaines : c’estoit donc de l’eau au parauant provenant des pluyes, estans tombees auant que remonter[1].

Venons à present à la cause pourquoy il n’y a aussi bien des sources és plats pays et campagnes comme és montagnes. Tu dois entendre que si toute la terre estoit sableuze, deliée ou spongieuse, comme les terres labourables, l’on ne trouueroit iamais source de fontaines en quelque lieu que ce fust. Car les eaux des pluyes, qui tomberoyent sur lesdittes terres, s’en iroyent tousiours en bas iusques au centre, et ne se pourroyent iamais arrester pour faire puits ny fontaines. La cause donc pourquoy les eaux se trouuent tant és sources qu’és puits, n’est autre qu’elles ont trouué vn fond de pierre ou de terre argileuse, laquelle peut tenir l’eau autant bien comme la pierre ; et si quelqu’vn cherche de l’eau dedans des terres sableuses, il n’en trouuera iamais si ce n’est qu’il y aye au

  1. Cette théorie, qui est la veritable, est aussi ingénieuse que clairement exposée.