Aller au contenu

Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/283

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
235
DV MITRIDAT.

l’on peut juger de son vtilité, et pour en donner quelque iugement, il faut auoir esgard à ce que le sublimé qui est le plus commun poison, n’est pas de matiere oleagineuse, ains d’vne matiere aqueuse, et les matieres oleagineuses n’ont aucune affinité auec les aqueuses : il faut donc croire que celuy qui composa le contrepoison du Mitridat de quatre simples, eut esgard à ce que le sublimé et aucuns autres poisons, estans dans l’estomac, ou boyaux, s’attachent et incisent la partie où ils reposent, et par tel moyen leur action est pernicieuse et mortelle : et pour obuier à vn tel effet il estoit de besoin que ledit contrepoison fut composé de matieres oleagineuses et bonnes à manger, afin que l’estomac ne les abominast. Nous ne pouuons nier que les noix ne soyent oleagineuses et plaisantes à manger, les figues consequemment ont vn sel en elles si fort corrosif et dissolutif, qu’au pays d’Agenés et lieux circonuoisins, où il y a grande quantité de figuiers, ceux qui mangent les figues auant qu’elles soyent meures ont les leures fendues, à cause de la mordication du laict desdittes figues. Le laict desdittes figues a grande vertu de dissoudre les choses visqueuses : quand les peintres se veulent seruir de blanc d’œuf pour destremper leurs couleurs, ils y mettent des petites figues decoupées, ou bien des gittes des branches de figuier, et soudain que cela est remué parmy ledit blanc d’œuf, il se vient à dissoudre, et se rend aussi clair qu’eau de fontaine, sans aucune visquosité. Ie dis cecy pour donner à entendre que le Mitridat composé de ces quatre choses pouuoit engraisser l’estomac et les boyaux, par la vertu oleagineuse des noix, et dissoudre le poison par la vertu des figues et de la rue : quant est du sel, c’est une chose certaine qu’il est contraire au venin, comme ie le diray en parlant des sels. Voila comment le Mitridat ne peut estre mauuais : non pas qu’il soit vtile pour tous poisons ou venins. Si ie connoissois la cause i’en pourrois parler. Le venin de la peste est inuisible. Il va de iour et nuit ainsi que Dieu luy a commandé. Aucuns disent que les causes de la verole, de la peste, et de la lepre sont inconnues. Ie sçay que toutes maladies se guarissent par leurs contraires : et si ie ne connois la maladie, comment connoistray-ie son contraire ? il ne faut point douter qu’il n’y ait aucunes choses qui sont mortelles par leur frigidité, et autres par leur grande chaleur et mordication ex-