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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/293

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DES SELS DIVERS.

fumiers à la mercy des pluyes, sont fort mauuais mesnagers, et n’ont guere de philosophie acquise ny naturelle[1]. Car les pluyes qui tombent sur les fumiers, decoulant en quelque valee emmeinent auec elles le sel dudit fumier, qui se sera dissout à l’humidité, et par ce moyen il ne servira plus de rien, estant porté aux champs : la chose est assez aisée à croire : et si tu ne le veux croire, regarde quand le laboureur aura porté du fumier en son champ, il le mettra (en deschargeant) par petites pilles, et quelques iours apres il le viendra espandre parmi le champ, et ne laissera rien à l’endroit desdites pilles : et toutesfois apres qu’vn champ sera semé de bled, tu trouueras que le bled sera plus beau, plus verd et plus espois à l’endroit où lesdites pilles auront reposé que non pas en autre lieu, et cela aduient par ce que les pluyes qui sont tombees sur lesdits pilots, ont prins le sel en passant au trauers et descendant en terre. Par là tu peux connoistre que ce n’est pas le fumier qui est cause de la generation : ains le sel que les semences auoyent pris en la terre. Encores que i’aye deduit autrefois ce propos des fumiers, en vn petit liure que ie t’ay dit que ie fis imprimer des les premiers troubles[2], si est ce qu’il me semble qu’il n’est point superflu en cest endroit : car par là tu entendras aussi la cause pourquoy tous excrements peuuent aider à la generation des semences. Ie di tous excrements, soit de l’homme ou de la beste. C’est touiours confirmation d’vn propos que i’ay repeté plusieurs fois en parlant de l’alchimie, que quand Dieu forma la terre il la remplist de toutes especes de semences : Mais si quelqu’vn seme vn champ par plusieurs années sans le fumer, les semences tireront le sel de la terre pour leur accroissement, et la terre par ce moyen se trouuera desnuee de sel et ne pourra plus produire : parquoy la faudra fumer, ou la laisser reposer quelques annees, afin qu’elle reprenne quelque salsitude, prouenant des pluyes ou nuees. Car toutes terres sont terres : mais elles sont

  1. Palissy rappelle ici sa théorie des fumiers, déjà émise dans la Recepte véritable (voy. p. 23, 24).
  2. Il est évident, par cette citation, que le livre de Palissy, imprimé dès les premiers troubles, n’est autre chose que la Recepte véritable, publiée à La Rochelle en 1563, quoi qu’en disent Faujas de Saint-Fond et Gobet. L’opuscule des Abus et ignorances des médecins ne contient pas un mot sur la théorie des sels ni des engrais.