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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/303

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DV SEL COMMVN.

lée, il faut attendre qu’elle soit de rechef au plein : Et combien que aucuns canaux ont esté trouués naturels, ce neantmoins il a esté necessaire d’aider à nature, afin que les barques et petits nauires puissent approcher des lieux où l’on fait le sel : et ne faut douter que nos predecesseurs n’ayent aussi esté contraints de former des canaux és lieux où il ne s’en est point trouué de nature : car autrement ils ne pourroyent tirer le sel desdits marez : d’autant que les plates formes sont faites si fort obliques, qu’il semble que c’est vn labyrinte, et ne sçauroit on faire vne lieuë au trauers qu’elle n’en monte à plus de six, à cause des enuironnements qu’il faut faire pour en sortir : et si quelque estranger y estoit enclos, à peine en pourroit il sortir sans conduite, par ce qu’il faut trouuer vn grand nombre de pontages, qu’il faut chercher l’vn à dextre et l’autre à senestre, quelque fois tout au contraire du lieu où l’on veut aller : Car il faut entendre que tout le platin des marez est concaué de canaux, de iards, de conches, ou de champ de marez ; aucuns desdits champs sont quarrez, et autres longs et estroits, d’autres en forme d’esquerre ; afin que toute la terre soit employée en façon de marez : tout ainsi qu’en vne ville les premiers edifians ont pris place communement quarrée à leur commodité, et les derniers ont pris les places et restes des autres, ainsi qu’elles se sont trouuees : le semblable s’est fait és marez, car les premiers ont pris place à leur commodité le plus pres des canaux et de la mer qu’il leur a esté possible, et les derniers venus ont pris les places, non pas telles qu’ils desiroyent, mais ils les ont edifiées quelque fois és lieux bien lointains des canaux et riues de la mer, qui cause que ceux là ne se sont pas tant vendus : d’autant que les frais de l’amenage du sel sont par trop grands.

Autres ont edifié des marez qui sont de peu de valeur, parce que bien souuent l’eau leur defaut au plus grand besoing, d’autant que les canaux, iards et conches ne sont pas assez bas en terre, pour recouurer de l’eau de la mer à leur souhait, et faut icy noter vn poinct singulier, qui est qu’en chacun marez il y a vn canal fait à force d’hommes, pour amener l’eau de la mer dans le iard, et autres canaux comme petites riuieres, qui seruent pour amener les barques entre plusieurs marez, dedans lesquelles on porte le sel au grand nauire, comme i’ay dit vne autre fois : par tel moyen toute la terre