Aller au contenu

Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/313

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
265
DES PIERRES.

i’ay veu vn lapidaire (nommé Pierre Seguin) qui auoit trouué vne pierre de cristal au dedans de laquelle il y auoit de l’eau qui n’estoit pas congelée, et dedans ladite eau y auoit vne petite ordure noire qui estoit plus legere que l’eau : car quand il tournoit la pierre de quelque costé, ladite ordure se tenoit tousiours dessus. Et d’autant que ledit lapidaire l’auoit fait tailler et enchasser en vn anneau, aucuns croyoyent fermement que c’estoit un esprit enclos dedans icelle, ne se doutant du secret de ceste philosophie. Il y auoit vn nommé de Trois rieux, homme curieux et de bon iugement, lequel auoit vne autre pierre de cristal en laquelle y auoit de l’eau enclose comme en la susdite : Mais il fust bien trompé : car l’ayant baillé à vn lapidaire pour tailler vne larme, en la taillant trouua vne petite veine par laquelle l’eau (qui n’estoit pas congelée) s’enfuit. I’ay trouué aussi plusieurs cailloux cornuz, qui estoyent creuz dedans, et auoyent plusieurs pointes comme de diamants : cela m’a fait connoistre que quand lesdits cailloux se formoyent, ils estoyent pleins d’eau, et que depuis l’eau commune s’est exhalée et a laissé la matiere congelatiue en forme d’vn caillou creux. Voila les liures de mon estude.

Theorique.

Et cuides tu que ie croye que l’eau se puisse reduire en pierre ?

Practique.

Ie t’ay dit que i’ay esté long temps en ceste opinion. Mais à present ie te di que ce n’est pas l’eau commune, ains vne eau de sel, laquelle tu ne sçaurois distinguer d’auec la commune ; toutesfois elle est fluide et autant candide que l’eau commune. Et de cela i’ay bon tesmoignage : car moy estant à Paris, l’année passée 1575. il y eust vn medecin nommé Monsieur Choysnin, duquel la compagnie et frequentation m’estoit vne grande consolation, qui apres m’auoir entendu parler ainsi des natures, et connoissant qu’il estoit amateur de philosophie, ie le priay de venir auec moy dans les carrieres pres sainct Marceau, afin de luy oster toute doute de ce que ie luy auois dit de la generation des pierres. Et iceluy, meu de bon zele et sans espargner sa peine, fit soudain apporter des flambeaux de

    cristallisation des sels de la formation de la glace. Il y a dans ce court paragraphe les éléments de toute une révolution dans les idées de l’époque sur cette matière.