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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/315

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DES PIERRES.

duites en pierre et en cailloux : quant est de l’homme ie n’en ay pas veu ; mais i’ay bon tesmoignage d’vn homme de bien, medecin, qui dit auoir veu dans le cabinet d’vn seigneur, le pied d’vn homme petrifié. Et vn autre medecin m’a asseuré auoir veu la teste d’vn homme aussi petrifiée. Vn Monsieur Iulles, demourant à Paris, m’a asseuré qu’il y a vn prince en Alemagne, lequel a en son cabinet le corps d’vn homme la plus part petrifié. Ie me tiens tout asseuré que si vn corps estoit enterré dans vn lieu où il y eust quelque eau dormante, parmi laquelle y eust de l’eau congelatiue, de laquelle se forme le cristal et autres matieres metalliques et pierreuses, que ledit corps se petrifieroit : par ce que la semence congelatiue est d’vne nature salsitiue, et que le sel du corps de l’homme attireroit à soy la matiere congelatiue, qui est aussi salsitiue, à cause de l’affinité que les especes ont, elles viendroyent à congeler, endurcir et petrifier le corps mort, et cela ie preuue par le bois de hetre, qui est le plus salé, et de quoy l’on fait plus aisement du verre.

Theorique.

Voila encores vn propos plus esloigné de verité que tous les autres, selon mon iugement, et ne crois point que le corps de l’homme se puisse reduire en pierre.

Practique.

Ie ne dis pas seulement en pierre, mais ie dis qu’il se peut reduire en metal, et l’homme, et le bois, et les herbes. Et cela se peut faire quand vn homme seroit enterré en quelque lieu aquatique, où la terre seroit pleine d’vne semence de vitriol, ou coperose. Car ladite semence n’est autre chose qu’vn sel qui n’est iamais oysif. Et, comme i’ay desia dit, les sels ont quelque affinité ensemble. Le sel du corps mort estant en la terre fait atraction de l’autre sel, lequel sera d’vn autre genre, et les deux sels ensemble pourront endurcir et reduire le corps de l’homme en matieres metalliques[1] : d’autant que

  1. On voit que Palissy était assez près de la vérité, relativement à la théorie des pétrifications. Il pense que des causes analogues pourraient réussir à pétrifier des os humains ; mais il n’en a pas vu : ce qui montre sa bonne foi et son scrupule scientifique. Du reste, il est digne de remarque que dans ce peu de mots il fasse preuve de vues chimiques très-élevées pour son époque ; et qu’il aille même jusqu’à se servir des termes d’affinité et d’attraction, dont, avant lui, on ne trouve l’emploi nulle part, dans le sens qu’il leur attribue.