Aller au contenu

Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/317

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
269
DES PIERRES.

estans mise sus les temples auec du vinaigre. Apres que ie fus bien certain que ladite vigne se congeloit et transmuoit en matiere metallique, par la vertu de la coperose, ie conneus qu’il y auoit encores vne autre cause operante et aidante à ladite coperose : Et tout ainsi que le sel d’vn corps mort estant couvert dans la terre és lieux aqueux peut tirer à soy autres sels par l’affinité qu’ils ont l’vn à l’autre : Aussi les sels de la vigne peuuent auoir aidé à la congelation et transmutation dudit bois, et de cela ie m’en tiens pour tout asseuré, sçachant bien que le sel de la vigne, que l’on nomme tartare, a grande vertu enuers les metaux. Ie scay que plusieurs alchimistes en blanchissent le cuiure, qui a causé que plusieurs en ont abusé. Aucuns font vn tire-poil dudit tartare, que ie n’ose dire, craignant que tu m’estimes menteur : par ce que la chose semble impossible. Parquoy ayant conneu telles choses à la verité, et en estant bien asseuré, i’ay consideré que i’auois beaucoup employé de temps à la connaissance des terres, pierres, eaux et metaux, et que la vieillesse me presse de multiplier les talens que Dieu m’a donnez, et partant qu’il seroit bon de mettre en lumieres tous ces beaux secrets, pour laisser à la posterité. Mais d’autant que ce sont matieres hautes et connues de peu d’hommes, ie n’ay osé me hazarder, que premierement ie n’eusse senti si les Latins en auoyent plus de connoissance que moy : Et i’estois en grand peine, par ce que ie n’auois iamais veu l’opinion des philosophes, pour sçauoir s’ils auoyent escrit des choses susdictes. I’eusse esté fort aise d’entendre le Latin, et lire les liures desdits philosophes, pour apprendre des vns et contredire aux autres : Et estant en ce debat d’esprit ; ie m’auisay de faire mettre des affiches par les carrefours de Paris, afin d’assembler les plus doctes medecins et autres, ausquels ie promettois monstrer en trois leçons tout ce que i’auois conneu des fontaines, pierres, metaux et autres natures. Et afin qu’il ne si trouuast que des plus doctes et des plus curieux, ie mis en mes affiches que nul ni entroit qu’il ne baillast vn escu à l’entrée desdites leçons, et cela faisoy-ie en partie pour voir si par le moyen de mes auditeurs ie pourrois tirer quelque contradiction, qui eust plus d’asseurance de verité que non pas les preuues que ie mettois en auant : sçachant bien que si ie mentois, il y en auroit de Grecs et Latins qui me resisteroyent en face, et qui ne m’espargneroyent point, tant à