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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/38

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XXX

Mais tandis que, soit par le professorat, soit par ses travaux ou ses écrits, il enrichissait son siècle des fruits de ses fécondes méditations, la France continuait d’être plongée dans les horreurs de la guerre civile, et, bien qu’il vécût tout à fait en dehors des passions de son époque, les haines religieuses et les persécutions, devenues plus violentes, ne pouvaient manquer de l’atteindre, lui, toujours fidèle à ses croyances, toujours inébranlable dans ses convictions. En 1588, affaibli par l’âge, presque octogénaire, il fut arrêté, enfermé à la Bastille, et menacé du dernier supplice. Matthieu de Launay, ancien ministre et alors l’un des Seize, insistait pour qu’on le conduisît au spectacle public, c’est-à-dire à la mort ; mais le duc de Mayenne, qui le protégeait, fit traîner son procès en longueur. On lit dans l’Histoire universelle de d’Aubigné et dans la confession de Sancy, du même auteur, que le roi Henri III, étant allé le voir dans sa prison, lui dit ces paroles : « Mon bon homme, il y a quarante-cinq ans que vous êtes au service de ma mére et de moi. Nous avons enduré que vous ayez vescu en vostre religion parmi les feux et les massacres : maintenant je suis tellement pressé par ceux de Guise et mon peuple, que je suis contraint de vous laisser entre les mains de mes ennemis, et que demain vous serez bruslé, si vous ne vous convertissez. — Sire, répond Bernard, je suis prest à donner ma vie pour la gloire de Dieu. Vous m’avez dit plusieurs fois que vous aviez pitié de moi ; et moi j’ai pitié de vous, qui avez prononcé ces mots : Je suis contraint ! Ce n’est pas parler en roi, sire ; et c’est ce que vous-mesme, ceux qui vous contraignent, les Guisards et tout votre peuple ne pourrez jamais sur moi ; car je sais mourir[1]. » Palissy mourut en effet, mais de sa mort naturelle, à la Bastille, en 1589. Ainsi se termina une carrière honorée par tant de talents et de si rares vertus.

  1. « Voyez l’impudence de ce bélistre ! ajoute d’Aubigné ; vous diriez qu’il auroit lu ce vers de Sénèque : On ne peut contraindre celui qui sait mourir : Qui mori scit, cogi nescit. »