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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/39

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XXXI

Pourquoi faut-il que l’une des plus belles époques de l’histoire de l’esprit humain, celle du plus vaste essor qu’aient pris à la fois les sciences, les lettres et les arts, soit ainsi souillée par des actes d’intolérance qui s’adressaient à la pensée, et cherchaient à contraindre par la violence une force qui échappe à toutes les entraves et ne tient aucun compte des obstacles qu’on lui oppose ! La renaissance du goût, des talents et de la philosophie naturelle eût été en même temps celle de la civilisation tout entière, si la persécution n’en eût pas comprimé les élans généreux, et si des scènes de barbarie n’eussent pas été mêlées aux brillants combats que des esprits supérieurs livraient à l’ignorance et aux préjugés d’un autre âge. Palissy, comme après lui Galilée et Descartes, figurait parmi ceux qui n’hésitèrent pas à soutenir cette glorieuse lutte, comme à en subir les conséquences. Il porta les premiers coups au respect servile de l’antiquité, et réduisit à leur juste valeur ces vaines questions, ou plutôt ces principes jurés sur la parole du maître, qui faisaient la base de la scolastique du moyen âge. Que l’on ne fasse donc pas à Bacon tout l’honneur de cette heureuse révolution dans la marche de l’esprit humain ; car, un demi-siècle avant lui, un homme sans lettres et sans études proclamait hautement que le livre de la nature était le seul dans lequel il eût cherché à lire, et qu’un chaudron rempli d’eau et placé sur le feu lui avait appris plus de physique que tous les livres des philosophes[1]. Provoquer une pareille réforme, en plein seizième siècle, n’était pas seulement un trait de génie, c’était encore un acte de courage. Il y avait toute une révolution dans la pensée de faire revenir les esprits de leur culte aveugle pour une philosophie surannée. Pour rompre en visière à des idées accrédi-

  1. « Prends garde d’enyvrer ton esprit des sciences escriptes aux cabinets par une théorique imaginative ou crochetée de quelque livre escrit par imagination de ceux qui n’ont rien pratiqué ; et te donnes garde de croire les opinions de ceux qui disent et soutiennent que théorique a engendré la practique. » (V. Advertissement aux lecteurs.)