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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/394

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DE LA MARNE.

an desouz les arbres, ils se viennent à putrifier, et en se putrifiant (comme font les herbes des forests) ils rendent en leur putrefaction l’eau commune et la generatiue parmy la terre, qui est causée parmy des feuilles et fruits : et quelque temps apres, par la vertu du Soleil, l’eau commune se vient à exaler, et la generatiue rend alors en pierre la terre qui a esté causée des feuilles, fruits, et autres plantes des forests : car autrement ce que tu dis ne se pourroit faire : car si tu consideres la racine des arbres tu trouueras qu’il n’y a celuy qui n’aye autant de racine que de branches : car autrement, il ne pourroit endurer le combat qu’il endure par l’iniure des vents. Et si tu voulois contempler la cause pourquoy les arbres ont les racines ainsi tortues, tu trouueras que la cause n’est autre sinon, que comme les hommes cherchent les montagnes, les chemins et sentiers plus aisez, aussi les racines en leur accroissement cherchent les parties de la terre les plus aisées, plus tendres et moins pierreuses ; et s’il y a quelque pierre au deuant de la racine, elle laissera la pierre en son chemin et se tournera à dextre, ou à senestre ; d’autant qu’elle ne pourroit percer les pierres qui sont au chemin.

Theorique.

Et toutesfois les branches des arbres qui n’ont aucun empeschement en l’aër, sont aussi tortues et fourchues comme les racines : si est ce que l’aër n’est non plus dur en vn endroit qu’en l’autre. Il faut necessairement qu’il y aye autre raison que celle que tu dis.

Practique.

Quant aux racines, ie t’ay dit verité : mais quant aux branches il y a vne autre cause, qui est que les branches, poussans l’augmentation des gittes, vne chacune cherche la liberté de l’aër, et se dilatent en s’esloignant des autres gittes tant qu’ils peuuent, afin d’auoir l’aër à commandement ; et par vne telle cause, les gittes fuyans le voisinage l’vne de l’autre ne peuuent monter directement, ce que tu peux connoistre par les noyers, poiriers, et pommiers, et plusieurs autres especes d’arbres, qu’en leurs premiere croissance la tige montera directement en haut iusques à ce que la vertu radicale monte abondamment, qui luy cause se fourcher, en poussant plusieurs gittes, comme vne eau desbordée. Ie considere ces raisons en plusieurs exemplaires, premierement en ce que