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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/443

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n’a rien de tout, et perd son temps, peines et drogues : qui est fort mal parti, et consideré. Car si le peuple sçauoit que c’est que l’estat de la Pharmatie quand il est bien fait, il en feroit beaucoup plus de compte, car l’on ne sçauroit payer vn Apoticaire faisant son deuoir : i’entens quand il est sçauant et bon simplicite. Tu n’as garde trouuer de bons Medecins ny Chirurgiens si tu n’as de bons Apoticaires : car c’est l’Apoticaire qui tient tout, et s’il est beste, les deux autres estats sont bestes comme luy : car il ne peuuent rien sans luy, et par son ignorance leue l’intention du Medecin et Chirurgien. Lisset a fort bien parlé, quand il a dict que les Apoticaires vendent la vertu des plantes et drogues que Dieu nous baille gratis, sans cultiuer, ce qu’ils ne doiuent faire, et dit que c’est grandement offencé enuers Dieu. Ie luy voudrois bien prier de prendre la peine, à lui et aux autres, d’aller chercher les herbes, fleurs, racines, et semences, gommes, fruicts, et autres : et icelles conseruer et garder auec grand soin et diligence, payer louage des maisons, gages de seruiteurs, les nourrir, achepter les drogues qui viennent de pays lointains, à grandes sommes d’argent contant, et puis les bailler gratis : et ils trouueroyent combien leur faudroit d’argent, mais ils s’en garderont bien. Comment bailleront-ils leurs drogues pour rien, quand seulement ne veulent pas fournir vne simple visite sans estre payez, et vendent leurs presences et paroles ? Encore que leur visite et ordonnance sert plutôt quelquefois à faire mal que bien. Et les pauures Apoticaires faut qu’ils fournissent toutes ces belles choses à credit, et quelquefois à iamais rien auoir, et perdre leurs peines et vacations. N’est-ce pas la briganderie que escrit Lisset contre les Apoticaires ? N’est-ce pas la volerie qu’il dit qu’ils font aux malades, quand ils les pansent sans eux, vendant leurs compositions outre la raison.

Ie vous laisse à penser si pour taster le poulx d’vn malade, et ordonner vn simple Iullep ils font conscience prendre vn escu, ou deux testons, et l’Apoticaire en aura bien deux sols, ou six blancs à grand difficulté : qui est plus grand voleur l’Apoticaire ou le Medecin ? Il me souuient auoir pansé vn homme de qualité, qui estoit malade d’vne fieure double tierce, et fut malade enuiron vn mois, le Medecin ne ordonna iamais que Iulleps, et vne simple Medecine purgative, et