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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/444

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cousta de Medecin pour ordonner ces beaux Iulleps et vne medecine, trente escus sol, et la partie que ie luy portay ne monta que à cinq liures, et si luy auois fourny du sucre et autres marchandises Latines, et quelle briganderie est-ce là ? Encores que tout ce que le Medecin auoit ordonné ne seruit de rien : car le patient se voyant ainsi affronté, luy donna congé, et n’y fit rien plus, et nature le guerit à chef de temps après : et qui ne l’eust point medeciné, il eust esté plutost gueri qu’il ne fut.

Ne trouues-tu pas vne grande ignorance et peu de iugement aux Medecins de promettre à vn patient qu’ils le gueriront en sept ou huit iours, mais cependant le tiendront vn mois ou deux ? N’est-ce pas bien prognostiqué à eux qui portent le nom et titre de Medecin ; ce qui est faux, et n’en est rien : car celuy qui est, et veut estre appellé Medecin, doit faire l’action d’vn Medecin, ce est guerir toutes maladies, promettre la vie ou prononcer la mort : mais bonne partie des Medecins de maintenant sont tant parfaits en leur estat que à grand peine oseroyent-ils asseurer la vie à vn malade d’vne simple fieure tierce, et n’oseroyent asseurer la guerir. Parquoy ie dis qu’ils ne sont pas Medecins : car le Medecin ne doit estre appellé Medecin s’il ne guerit toutes maladies. Ils me respondront que les maladies qui sont plus fortes que nature, et qui conuainquent nature, sont incurables ; voire, pour ce qu’ils ne sçauent pas les curer : car si Dieu a donné les maladies, il a donné les remedes pour les guerir, mais ils leur sont incogneus, et ne les sçauent pas. Dequoy sont-ils doncques Medecins ? Des maladies qui se gueriroyent sans eux ; encores quelquefois y font-ils plus de mal et nuisance que de bien. Leur estude est de grand valeur et efficace, mais ie ne sçay à quoy, ne qu’ils ont iamais estudié.

Ie croy qu’ils ont le plus estudié à faire la mine : car à cela ils sont plus sçauans qu’en perfection de medecine ; et à bon droit se doiuent plutost appeller freres mineus que Medecins : car c’est la plus grande perfection qu’ils ayent. S’ils auoyent perfection en autres, concernant la medecine, ils le montreroyent, mais il faut doncques qu’ils confessent que la medecine est imparfaite, et n’y a nulle perfection, Dieu en a tiré l’eschelle à luy : parquoy tout est à l’aventure. Ils appellent les maladies incurables pour ce qu’ils ne les sçauent pas gue-