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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/456

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seroit extraite, et aussi iamais ne se peuuent incorporer, encores qu’ils soyent extraits d’un mesme corps engendré et nourry ensemble par nature. Dauantage si tu prens lesdites herbes ou fleurs qui auront esté bouillies et presque toutes bruslées en huile d’oliues et que tu les distilles et en tires l’huile du propre corps d’icelles sans y rien adiouster, tu en tireras vue huile qui aura autre odeur que celle que tu as fait par ton ebullition aqueuse : car elle aura la propre odeur, saueur et force que son suiet mesme ; que si tu en mesles demi-once en vne liure d’huile d’oliues, elle le rendra telle odeur à ladite huile qu’il semblera que toute l’huile soit extraite du mesme medicament. Or regarde si pour bouillir tes herbes elles laissent leur vertu dans l’huile ou gresse où tu les as bouillies. Par cela tu peux cognoistre facilement qu’il n’y a rien du tout, veu que si grande quantité d’herbes ne peut pas bailler l’odeur que fait demi-once qui a esté extraite à part.

Ie ne pense point que les bons autheurs ayent escrit la maniere de faire les huiles autrement que par la vraye distillation, non pas celles brouilleries qui sont escrites en nos dispensaires, qui ont esté escrits de quelque vieux resueur : car il est facile de tirer l’huile de tous les vegetans sans y adiouter, et en vaudroit mieux vne once que dix liures faites par decoction en huile d’oliues.

Si tu auois veu de l’huile extraite ou tirée d’vne herbe, fleur ou racine, tu dirois c’est le vray : car si tu en auois tasté le gros d’vn cul d’espingle en ta bouche, il te seroit aduis que toute l’herbe ou fleur fust en ta bouche auec semblable force. Et si tu en auois frotté tes mains ou ta barbe, l’odeur n’en partiroit de deux iours, et celles-là sont les vraies huiles, et les autres ne sont qu’abus inueterez, dequoy les Medecins sont autheurs qui nous les ont apprins à faire en cette sorte, et ne veulent vser encore auiourd’huy que de celles-là, et qui leur en voudroit bailler des parfaites, ils n’en voudroyent point : car ils ne les sçauent pas ordonner, ils n’en virent iamais, et ne sçauent la force et subtilité d’icelles, et seroyent trompez en faisant plutost mal que bien à ceux à qui ils les ordonneroyent ; parquoy ie suis d’aduis qu’ils se tiennent à leurs vieilles paste et mode de faire inutile, à celle fin que s’ils ne font pas de bien, qu’ils ne facent point de mal.