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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/457

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Lisset dit que nous baiilons du quid pro quo en leurs ordonnances, ce qui est vray : n’est-ce bailler vn quid pro quo à vn malade, luy bailler de l’huile d’oliues, pour huile de menthe, sauge ou autre ? N’est-ce pas abuser le patient qu’il pense refroidir vn membre par l’huile rosat ou violat ou autre ? Et il y a de l’huile d’oliues qui est chaude et acre : tu aurois beau bouillir herbes froides dans l’huile auant que lui oster son naturel, qui est chaud et acre, non pas seulement luy diminuer : car l’herbe n’est pas de semblable nature, mais contraire, qui empesche que les vertus ne se peuuent ioindre ensemble ; et maistre Lisset dit que nous sommes imperits et faisons mourir les malades par nostre imperitie.

Ie vous laisse à penser si eux-mesmes ne sont imperits, ne sçachant que c’est qu’ils ordonnent, ny moins donner raison comme les compositions peuuent rendre leurs vertus suiuant leurs intentions, comme tu vois des huiles : le semblable est des autres choses.

Si ie voulois escrire combien i’ay veu mourir d’hommes par leurs imperities et ignorances ! comme les vns pour s’amuser à iullepter pendant la maladie augmentoit, et la nature diminuoit tant que le malade mouroit ; d’autres que pour ordonner la diette trop extresme, debilitoit tant la chaleur naturelle, que le patient tomboit en conuulsion de ses membres, et mouroit ; d’autres pour auoir ordonné des dormitoires (sans auoir esgard si les malades estoyent chargez de fluxions) qui dorment encores, et tant d’autres qu’ils ont faits et font tous les iours, qui seroit tant long à reciter, que l’on en feroit vne Bible ! Et de tels Medecins en a grande quantité en l’Europe, Asie et Afrique : de ce que Lisset escrit contre eux et contre les Chirurgiens, ie n’y responds rien, ie suis de son costé en cela.

Il dit que l’estat de la Pharmatie est plus douteux qu’il ne fut iamais, à cause que les Apoticaires se meslent d’autre estat et vacation que la leur ; ie luy respond que les Medecins en font bien dauantage, car ils se meslent, les vns de prester à vsure l’argent qu’ils ont gaigné iniustement des pauures malades ; les autres de faire marchandise, comme faire faire veloux ; les autres à iouer toute la nuit aux cartes et dez ; les autres à chercher les femmes enceintes, et leur aller taster le ventre pour sçauoir si elles feront fils ou fille, pour gager des-