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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/458

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sus, et voila leurs estudes. Et ne faut penser que l’estude du Medecin soit autre que à l’auarice ; parquoy la medecine est plus douteuse que la pharmatie : car l’art de la pharmatie se peut faire parfaitement, ce que ne fait la medecine ; car elle est imparfaite, et n’y eut iamais perfection n’y aura, l’experience le montre à l’œil,

Tu verras des Medecins frappez de certaines maladies, desquelles ils ne s’en peuuent guerir, et sont contraints languir et enfin mourir ; les vns sont affligez de goutes artetiques, les autres de goutes migraines, les autres de coliques, les autres de nephretiques, les autres sont frenetiques, et ne s’en peuuent guerir, et en pensent guerir tous les autres tous les iours qui en sont malades comme eux. Regarde quel abus et quelle perfection y a en leur art ; s’il y auoit perfection ils se gueriroyent les premiers, mais ils ne peuuent guerir eux ny les autres, et blasment les Apoticaires qui pancent les malades sans eux.

Ie te dis que si l’Apoticaire est sçauant et bon simplicite, il le peut faire aussi seurement que le Medecin : car il a intelligence et cognoissance des medicamens, qui est le principal : car de ieunesse et frequentation il est nourry auec eux, et sçait quelle force et temperature ils ont, et en quelle action ils font mieux que le Medecin, ioint qu’il a veu et retenu les grandes fautes que les Medecins ont fait et font en la cure des maladies dont il se peut garder : car il est tousiours plus prochain du malade, que le Medecin, pour ce qu’il faut qu’il applique l’ordonnance, et s’il est homme de bon esprit et iugement, qui le gardera retenir le bon, et laisser le mauuais ? Ie t’asseure que les Medecins sont tant estonnez du moindre incident qui survient en leurs practiques, qu’ils ne sçauent que dire ; quelquefois ils diront il est mort, qu’il guerira; quelquefois ils diront qu’il guerira, qu’il mourra incontinent.

Combien de fois me suis-ie trouué auec le Medecin aller voir des malades, le soir dire à leurs parens : il se portera bien et guerira bientost pour certain, que le matin nous le trouvions mort sur la table ? Plusieurs fois cela m’est aduenu auec les Medecins qui estoyent les mieux famez, dont ie me esbaysois fort. Et si un Apoticaire pance vn pauure homme sans leurs ordonnances, il en sera blasmé, et s’il meurt, l’on dira : l’Apoticaire l’a tué par son ignorance ; que ne dit-on