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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/459

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doncques ainsi des Medecins quand leurs malades meurent entre leurs mains ? I’espere voir le temps que le peuple cognoistra que c’est que le Medecin, et dequoy il sert, et aussi l’Apoticaire.

Notre maistre Lisset nous blasme, disant que nous faisons vser beaucoup de drogues aux malades pour auoir plus d’argent ; c’est bien au contraire, car l’Apoticaire sçauant se gardera bien de bailler aux malades chose dequoy il ne soit asseuré par experience, et qu’il n’en cognoisse bien la faculté ; et ne fera pas comme font beaucoup de Medecins qui ordonnent des receptes confuses, à sçauoir grands triades (thériaque), grand quantité de drogues, pour dire qu’ils sont fort sçauans, là où deux ou trois ayant bons respects à la maladie, feroyent plus que tous ces grands triades. Et qui examineroit le Medecin qui les ordonne, il se trouueroit bien empesché de dire la faculté de la moitié, et trouueroit sa recepte confuse : car il est impossible que tant de drogues puissent faire vne fermentation ayant respect à la maladie, qu’il n’y en ait quelqu’vne qui nuise et qui repugne, et qui ait quelque vertu oculte qui ne vient à propos. Parquoy ie trouue sage vn operateur qui use de peu de medicamens, bien cogneus et experimentez, mesme de ceux qui croissent deuant luy, sans aller chercher les lointains qui sont nourris les vns en pays chaud, les autres en pays maritimes qui ne sont consonans à nostre nature, qui n’est engendrée ni nourrie en ces pays.

Tu peux pancer et medeciner les corps nez au pays de France, des herbes et plantes qui sont nées audit pays, sans en aller chercher au pays lointains et sera plus seurement : car les medicamens nez et nourris sous le climat où sont nez et nourris les corps, proufitent beaucoup plus ausdits corps que ceux qui sont nez sous autre climat. Experience : regarde si ceux des Indes et autres pays se medecinent des medicamens qui croissent en nostre climat, et nous nous medecinons bien des leurs, et qui en est la cause ? Nos imperits de Medecins ; pour ce que Galien, Hippocrates et Auicenne en ont escrit de ce qu’ils ont veu par experience en leur pays et climat, tant des medicamens que des corps, et s’ils eussent esté en France nourris, ils eussent escrit des medicamens nez et nourris sous le climat de France, et n’eussent point eu la peine de les aller chercher si loing.