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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/460

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Tu ne me sçaurois faire croire qu’vn medicament né en pays chaud et maritime, ne serue mieux à ceux de son climat, que à ceux d’vn autre climat froid ; si tu cherches bien les herbes chaudes en France, comme les Indiens et Arabes ont en leurs pays, tu les y trouueras, mais non tant chaudes, ny tant acres, aussi ne nous seruiroyent-elles pas bien : pour ce que nos corps ne les pourroyent endurer, ny nostre nature n’en pourroit si bien faire son proufit comme de celles qui croissent deuant nos yeux, et en nostre region et climat, qui quelquefois ne sont encores que trop fortes, violentes, et acres, sans en aller chercher plus loing de plus fortes, et plus acres, mesmes qui nous enuoyent le plus souuent l’vn pour l’autre, se moquant de nous, comme de nostre espodion (ivoire) bruslé.

Ie voudrois bien demander à nos Medecins s’ils sçauroyent bien discerner vn os mis en cendres, si c’est de l’os de la iambe de l’Elephant, ou autre animal : ouy de beaux. Et tant d’autres que ie ne veux citer.

Si le Medecin estoit docte et bon operateur, il n’vseroit iamais, ny feroit vser par la bouche de drogues lointaines, que du rhubarbe, agarit et aloës, pour ce que cela est cogneu et experimenté par nous.

Ie te voudrois bien demander quelle vertu prens-tu en l’espode bruslé, en la corne de cerf bruslée ? Penses-tu que nature puisse alterer et transmuer en sang cette cendre si aride ?

Si tu me dis, ie la baille pour deseicher quelque humeur dans l’estomac, ie te responds qu’il en faudroit grande quantité pour deseicher, et tu n’en ordonne qu’vne drachme pour le plus, qui ne sçauroit deseicher grande humidité.

Parquoi mets cela au rang des abus, et n’en vse plus pour ton honneur : car tout cela ne sert que d’empesche dans l’estomac : tout ainsi comme des metaux que nos Medecins veulent que l’estomac debille, transmue, et sanguifie, comme l’or et l’argent.

Ie te dis que l’or est si parfait et si fixe, qu’il ne craint eslement qui soit, celeste ou terrestre : rien ne le peut alterer, rien ne le peut transmuer : il demeure tousiours en son entier, et tu luy veux faire rendre sa vertu dans l’estomac de l’homme debille. Tu es bien abusé, non pas dans l’estomac de l’Austruche. I’ay veu faire des petites pelotes d’or, pesant chascune douze grains ; et les faire manger auec du pain à vn Gal (coq) :