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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/461

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pour ce qu’il a vn Docteur qui a escrit que le Gal le destruit et digere : nous luy en fismes manger vingt et quatre, lesquelles il nous rendit comme nous les luy auions baillées, sans estre en rien diminuées, et eusmes nostre pois autant pesant qu’il en auoit mangé.

I’ay veu tenir l’or au feu par l’espace de quarante-huit heures sans estre diminué d’vn seul grain ; regarde comme la diminuera vn estomac debille, comme te restaurera-t-il le cœur, si l’estomac ne le transmue ? Comment te resiouyra-t-il les esprits ? Si fera, et ie te le diray : car tu ne sçais pas, et croy que les autheurs qui en ont escrit, l’ont ainsi entendu.

Si tu voyois deux ou trois mille escus sur ta table, ou dans tes coffres, ne serois-tu pas plus ioyeux que s’il n’y en auoit point, et que tu en deusses ? Ouy, de la belle moitié. Il te restaureroit le cœur, les esprits et la veue exterieurement, mais non interieurement ; et ne desplaise à nostre autheur qui a ordonné le Diacameron en nostre dispensaire, où il ordonne limature d’or et d’argent, disant que la composition est tant souueraine, qu’elle reduit l’homme de vie à mort, dis-ie de mort à vie ; et ie t’asseure que c’est des meilleurs abus de nostre pharmatie, entretenus par les doctes Medecins.

Si ie voulois dire que l’or ne fust restauratif, i’aurois bien menty : car par l’or on a chapons, perdrix, cailles, phaisans et toutes choses qui sont bonnes pour resiouir et restaurer l’homme, comme maisons, chasteaux, terres, possessions qui resiouissent l’homme exterieurement, et non interieurement : comme de le manger en substance, que nos Medecins ordonnent. I’aimerois mieux si i’estois malade auoir perdu vn escu que d’en auoir mangé vn autre en quelque sauce que le Medecin me le sçeust mettre : car il ne sert en l’estomac que de chose estrange, et d’empesche : et si ie l’auois en ma bourse, il ne me sçauroit empescher. Ainsi en est-il des pierreries ou fragmens que les Medecins ordonnent à manger aux malades pour restaurer et conforter le cœur, le cerueau et les esprits.

Lisset peut bien dire que nous en abusons en baillant du verre broyé pour lesdites pierres. Asseure toy que autant vaut l’vn que l’autre, et autant rend de faculté en l’estomac l’vn que l’autre.

Si tu cognoissois que c’est que ces pierres, tu iugerois que autant seruent elles que les metaux, et non plus : car elles