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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/463

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uent de rien non plus que cela, et ont bien failly en plusieurs choses ; tu ne te deuois pas tant fier à eux que tu n’en fisses quelque experience. Prens quelques pierres que tu voudras, et les fais distiller ou brusler, ou en tires les quatre eslemens, et tu verras quelle peine tu y auras, et combien tu en tireras. Il faudroit beaucoup de saphirs, rubis, iacinthes, esmeraudes et autres pour tirer vne once d’huile, et pour tirer demi-once de sel. Ie ne voudrois pas estre obligé de rendre vne once d’huile de ces pierres pour cent escus sol… Regarde quel abus voila aux Medecins qui n’en ordonnent que demie drachme ou vne drachme : autant rendent-elles de vertu dans l’estomac, comme elles te rendent d’odeur et saueur sur la langue, et les broye tant subtiles que tu voudras ; d’autant plus ie m’esbays des Docteurs qui en ont escrit sans les auoir experimentées.

Ie me ris encores mieux des Medecins qui les ordonnent en onguent, comme le corail et autres, appliquez sur l’estomac, et veulent qu’ils entrent par les pores, ablués d’huile ou gresse ; vne chose dure et pesante, que iamais ne laisse sa vertu, à cause de sa grande dureté, pour chose que l’on luy face. Et encores qu’il est ablué de gresse ou huile qui est bastante de l’empescher, s’il estoit prest à rendre sa vertu ; et veux-tu qu’il entre par les pores subtilement : tu as bel attendre.

Ie m’esbays que tu n’as mieux experimenté les abus qui ont tant regné et regnent encores. Lisset se peut bien moquer des Apoticaires qui appliquent les retentifs sur le ventre pour restraindre le flux ; et les Medecins ordonnent les pierres sur l’estomac qui n’ont nulle asperité, odeur, saueur, ny force. Si les y ordonnent-ils pour restraindre et conforter ; et qui est plus ignorant, est-ce pas le Medecin et plus imperit ? Tu me diras, tu parles contre le proufit de la Pharmatie, et ie te dis que ie suis amy de verité, et que i’aime mieux que cet abus soit osté qui encherit grandement les compositions où entrent ces belles pierres precieuses, tant pour les pauures que pour les riches, qui ne seruent que d’empesche, et que les proufits ne soyent pas si grands, afin que le peuple ne soit tant abusé : car auiourd’huy nos Medecins ordonnent fort de ces belles compositions pierreuses ou restaurans, qui sont cuits au bain marie, composés d’vn vieux chapon de dix ou huit ans, dur,