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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/465

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où l’on le fait ; et ie luy respondis qu’il auoit sa chaleur auant que y estre mis, et nous accordasmes à cela. Puis ie luy demanday où prend le vin cette chaleur acquise que vous dites en enuieillissant, veu qu’il est subtil et s’euapore tous les iours. Le pauure homme ne me sçeut donner autre raison, sinon qu’il attiroit ; et ie luy dis qu’il le falloit doncques tenir au soleil, et non en la caue.

Il y a des grandes sophisteries entre ces Medecins, ils ont mis de toutes choses le char deuant les bœufs, mais auiourd’huy ne peuuent plus faire croire leurs abus et ignorance, dire que le vin vieux est plus chaud et plus fumeux, ayant plus d’asperité et force que le vin nouueau ; ie t’en vais donner vraye experience.

Prens vn barraut ou mesure de vin vieux, le meilleur que tu pourras trouuer, et semblable mesure de vin nouueau, qui soit bon et purifié, et les fais distiller par vne serpentine, ayant ses reuolutions, et tu trouueras que le vin nouueau te rendra plus d’eau ardente que le vin vieux d’vn bon tiers, et à cela tu cognoistras que le vin nouueau a plus de chaleur et asperité que le vin vieux, contre le dire de tous les vieux resueurs, Ie ne dis pas qu’vn vin vieux ne soit plus proufitable au corps et plus temperé que le nouueau : car il ne penetre le cerueau comme fait le nouueau ; mais pour dire qu’il soit plus chaud, il n’en est rien.

Regarde l’ignorance des Medecins et leurs bonnes experiences, qui cherchent les choses froides, arides, sans nourrissement, comme pierres dures, chapons vieux et ethics pour faire restaurans pour les corps debilles et destituez de chaleur naturelle, et sont ordonnez de si bon goust lesdits restaurans, qu’vn homme bien sain et alegre, aimeroit mieux ne iamais manger que prendre de ces beaux restaurans aborrissant à nature, à cause de leur mauuais goust. Regarde comme les malades debilles et desgoustez, en peuuent estre restaurez ; car il faut que ce qui restaure soit plaisant et alegre à nature ; encores ont-ils trouué une autre maniere de restaurer, fort abusiue, que notre Maistre Lisset approuue très-bonne, c’est qu’ils font distiller la chair d’vn chapon, perdrix, cailles ou autres, en eau, puis ils y mettent du sucre et canelle, pour faire boire ladite eau à leurs malades, pensant leur donner telle substance que s’ils auoient fait manger lesdites chairs à