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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/470

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lent comme vn cuir, et là où ils doiuent estre gros, charnus et secs, ils se montrent comme cuir bruslé tous entortillez ; et n’y a homme qui en sçeust vendre ne qui en voulust acheter : car ils sont difformes.

Ie crois que celuy qui luy a donné à entendre ces belles folies, se moquoit de luy, et c’est bien moquerie dire que l’on peut bailler odeur au bois ; mais s’il eust dit que ordonner du bois en onguent ne sert de rien, non plus que des pierres, il eust dit verité, et ne se fust pas monstre asne comme il est, et les autres qui l’ordonnent ; car le bois n’est pas si subtil, tant soit-il puluerisé, qu’il puisse penetrer par les pores : et est difficile que nature le puisse tant eschauffer qu’elle en sçeust tirer la vertu, à cause de sa dureté et siccité. Ioint qu’ils l’ordonnent auec huiles et gresses qui le garderoyent rendre ses facultez s’il estoit prest à les rendre. Mais sans huile ny gresse le bois ne sert de rien, appliqué exterieurement, sinon a eschauffer et faire des couleurs, comme bresil, sandal et autres. Et voila de belles ignorances des Medecins de maintenant, qui vsent du bois et pierres sur les estomacs, pensant faire entrer la vertu desdites choses par les pores.

Ie ne dis pas si tu mets du bois en decoction, et la faire prendre par la bouche, ou en fomenter quelque partie où tu la voudrois appliquer bien chaude, que la decoction ne soit bonne, et qu’elle ne tienne quelque peu de la vertu du bois : mais si tu en sçauois tirer l’huile parfaite, tu en ferois de belles operations ; sa substance dure ne t’y empescheroit, et entreroit par les pores, à cause de sa subtilité, et seroit sans abuser et tromper les malades, comme font les Medecins.

Ie trouue vne grande sottise aux Medecins ordonner torrefier le rhubarbe, mirabolans et autres, voyant qu’ils sont si secs : car le rhubarbe s’il n’est sec tombera en putrefaction incontinent, et ne se pourra garder, ny les autres ; et pour les garder, faut qu’ils soyent secs, et les Medecins les font deseicher dauantage de peur de faillir ; pour ce qu’ils ont leu en leurs autheurs qui ont escrit du rhubarbe, et mirabolans qui croissent en leur pays, et les ont tous recens. Aussi les ordonnent-ils seicher, pour ce qu’ils ont trop d’humidité estant verds ou recens ; et nous n’en auons point que de secs, car l’on ne les sçauroit apporter recens, et nos Medecins de par-deça les ordonnent seicher qui est vne grande folie : car incontinent les