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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/477

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y aller s’ils peuuent, mais plutost les detracteront pour pousser en auant leurs semblables. Aussi vous trouuerez ces asnes d’Apoticaires plus riches que les sçauans, à cause de ce que i’ay dit, et qu’ils endurent tout, et mesme de leurs seruiteurs : car ils n’oseroyent rien commander à leurs seruiteurs, mais au contraire leurs seruiteurs leur commandent, et faut qu’ils endurent pour ce qu’ils ont peur d’estre appellez asnes par leurs seruiteurs.

Et voila pourquoy la medecine est mal faite par ces veaux : car si vn seruiteur fait mal vne composition, le maistre ne l’ose reprendre ; car il ne sait pas. Voila qui fait les seruiteurs arrogans, à cause qu’on endure d’eux, qui ne sont que veaux, et les maistres veaux en sont cause. Il seroit bon que l’estat fust iuré, et que nul n’exerçast la Pharmatie qu’il ne fust examiné, vieux et ieunes : car il y a de grands asnes d’Apoticaires en France, et aussi y en a-t-il de sçauans.

Mais pour chasser cette vermine qui fait tant de maux, et qui deshonore l’estat, seroit bien fait de leur faire faire vn examen, pour sçauoir s’ils sont capables auant que se mesler d’administrer la medecine. Mais qui les poursuiura ? Les Medecins ? Non : car ils ont si grand peur que l’on ne les contraigne d’eux corriger les premiers, et se graduer, qu’ils se garderont bien rien entreprendre contre les Apoticaires, ce qui seroit bien raisonnable ; car il y a tant de gens qui viuent de cet estat, et n’en sçauent rien, que c’est chose horrible. Aussi seroit-il bien raisonnable que les Medecins fussent passez Docteurs auant que les laisser practiquer, et leur faire faire approbation de leur estude : car le premier qui vient est Medecin passé. I’ay veu dans Lyon venir plusieurs qui se disoyent Medecins, qui en leur vie n’auoyent ordonné recepte.

Ie te monstreray par les receptes qui sont escrites de leurs mains, qu’il n’y a si petit Apoticaire (fust-il apprentif) qui ne iuge qu’ils n’en auoyent iamais ordonné autant, et si auoyent grand bruit, et gaignoyent force argent, en abusant le pauure peuple ; et voila qui est la cause des grands abus qui se font, et mesmes les Chirurgiens qui se meslent de la Pharmatie et Medecine, qui est chose impossible : car le Chirurgien a tant à estudier en son estat, qu’il ne faut point qu’il en cherche d’autre : auant qu’il fut sçauant Medecin, et sçauant Chirurgien et Apoticaire, il luy faudroit trois aages, encores n’en